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leur cuir très-serré, & qu’ils enragent le plus souvent en hiver, saison, comme l’observe très-bien M. Sauvage, où la faim dévore les loups, les échauffe intérieurement, & où l’électricité est la plus forte ; ils mangent en été des charognes, des brebis mortes, des chardons, & les eaux croupissantes, dont ils se nourrissent, les disposent & peuvent engendrer dans leur corps les différens vers qu’on a trouvé dans le cerveau, les reins, & les sinus de ceux qui sont morts de la rage.

C’est assez mal à propos qu’on fait tuer un chien, immédiatement après qu’il a mordu quelqu’un. On doit au contraire le conserver, pour s’assurer si la rage a été communiquée. Et pour cet effet, on doit commencer par enfermer l’animal, & le mettre hors de portée de pouvoir assouvir son désir insatiable de mordre.

On le reconnoîtra enragé, s’il ne veut ni boire ni manger ; s’il a le regard louche ou morne ; s’il s’éloigne des autres chiens quand il les apperçoit. Enfin un chien enragé semble plutôt murmurer qu’aboyer. Il est hargneux & disposé à mordre les personnes étrangères. Il porte en marchant, ses oreilles & sa queue plus bas qu’à l’ordinaire. Quelquefois il paroît endormi, ensuite sa langue commence à sortir de sa gueule ; il écume & ses yeux deviennent larmoyans. S’il n’est pas enfermé, sa marche devient précipitée, il court en haletant ; sa contenance est abattue, & il finit par périr insensiblement dans des contorsions violentes.

Voyons à présent quels sont les symptômes ayant-coureurs de cette maladie communiquée à l’homme par la morsure d’un animal enragé. Pour l’ordinaire la plaie qui résulte de cette morsure, est légère en apparence & ne tarde pas long-temps à se guérir. Celui qui a été mordu, perd bientôt sa joie naturelle ; il devient pensif, inquiet & rêveur, il ressent des malaises dans tout le corps ; il pousse de profonds soupirs, il bâille souvent & devient dans peu mélancolique ; cet état dure ordinairement quinze jours, ou trois semaines. C’est alors que la plaie, avant de se rouvrir, commence à devenir douloureuse, le malade y ressent une douleur vive & gravative ; la peau qui la revêt change de couleur & se transforme en un rouge obscur. Il s’y forme quelquefois, par dessous, une ecchymose ; sa surface devient rude & inégale en divers endroits ; tout le voisinage de la plaie s’enfle & se ramollit ; ses bords se renversent, & leur tissu paroît spongieux & imbu d’un sang corrompu. Il s’écoule de cette plaie une humeur fétide & souvent noirâtre.

À cette époque se déclarent d’autres symptômes qui caractérisent le premier degré de la rage, communément appelée rage mue, ou rage déclarée, tels qu’un engourdissement général, un froid continuel, des soubresauts dans les tendons, la contraction de certaines parties du corps ; un grand resserrement aux hippocondres, une difficulté de respirer, entremêlée de soupirs ; l’horreur pour l’eau & pour toute espèce de liquide, qui devient plus forte ; un tremblement général, à la vue de quelque glace, d’une lame de métal poli, d’un couteau ou