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répondent aux bourgeons, ne pourroit-on pas dire que si chaque année la nature fait pousser des feuilles, elle doit également faire croître des chevelus infiniment petits, en nombre proportionné à celui des feuilles, & dont l’existence est semblable à la leur. Je propose cette idée comme un doute, comme une simple hypothèse, mais qui mérita d’être examinée.

Les racines ne sont pas restreintes à élaborer la séve que les arbres ont pompée de l’humidité de l’atmosphère ; elles servent encore à y porter la nourriture qu’elles absorbent de la terre, & à la combiner avec l’autre. Quoique quelques plantes n’aient besoin que de l’humidité atmosphérique pour végéter, presque toutes les autres, & les arbres sur-tout, ne peuvent se passer d’humidité ou d’eau, sans quoi ils dessèchent & périssent. Ce fait, connu de tout le monde, prouve de nouveau autant la nécessité de l’équilibre entre le travail de la séve, par les branches & par les racines, que la nécessité du mélange des deux séves, l’aérienne & huileuse, absorbée par les feuilles, & l’aqueuse & terrestre, absorbés par les racines. C’est du mélange & de l’élaboration parfaite de ces deux séves que résultent la santé & la vigueur de l’arbre. On pourra chicaner sur le mot de séve aérienne, mais je n’en trouve pas d’autre pour désigner les matériaux de la séve que les feuilles pompent dans l’atmosphère. J’ai ajouté le mot huileuse, parce qu’il est très-probable que l’huile éthérée des fleurs, qui produit les plus douces odeurs, n’est autre chose que le principe inflammable uni à une huile très-atténuée. Il est encore probable, & même presque démontré, qu’une grande partie des huiles grasses que l’on retire des bois, est fournie par la séve terreuse, lorsqu’attirée par les racines, elle pénètre dans la plante sous la forme d’un fluide savonneux. Il faut consulter les articles amendement, engrais, fumier, afin de se mettre au fait de ces combinaisons, & éviter ici des répétitions.

Les racines sont-elles douées d’un instinct, d’une irritabilité qui les force à choisir de préférence certains sucs, & à rejeter ceux qui leur sont nuisibles ? Y a-t-il dans la terre des sucs particuliers, destinés à telle ou telle plante ? Ces deux questions rentrent dans la même, & sont l’explication l’une de l’autre.

Jusqu’à ce jour, la plupart des écrivains se sont égarés en tenant pour l’affirmative ; ils ont compliqué la marche de la nature, tandis qu’elle montre par-tout la plus grande simplicité. On épuise la terre, vous disent-ils, en fumant plusieurs fois du blé dans le même champ, parce que les premières récoltes absorbent tous les sucs qui sont propres aux blés, tandis que si on alterne les récoltes, elles sont toujours belles. Donc chaque récolte n’absorbe que les sucs qui lui conviennent.

Je n’ai cessé dans tout le cours de cet Ouvrage, de répéter que la forme des racines étoit le meilleur guide du cultivateur, & qu’elle prescrivoit l’ordre de la culture ; parce que les racines fibreuses, telles que celles du froment, du seigle, &c. absorbent les sucs de la surface à cinq ou six pouces de profondeur, tandis que les racines pivotantes, par exemple, celles de la luzerne, ne consomment point les sucs de la surface, mais vont profondément chercher