yeux chaque bourgeon, & à ravaler leur pousse avant la séve du mois d’août. Plusieurs cassent tous les bourgeons pendant l’été afin de les forcer à se mettre à fruit, & ils n’y réussissent que trop bien si l’arbre est greffé sur coignassier.
Les amateurs des arbres en quenouille, raccourcissent, lors de la taille, les branches du bas & celles du haut, de manière que la partie du milieu soit plus renflée ; le tout doit ressembler à la forme du chanvre mis sur une quenouille, d’où cette méthode à tiré son nom ; on auroit pu également lui donner le nom de fuseau. Comme chaque année on laisse un ou deux yeux sur le nouveau bois, peu à peu cette quenouille acquiert de la consistance, & à la longue chaque branche offre une succession de coudes formés par les tailles consécutives. Enfin on ne voit sur les branches dépouillées de leurs feuilles que des calus, des bourrelets, des rugosités, &c. & petit à petit l’arbre se charge tellement de boutons à fruits, qu’il n’a plus la force de produire de bons boutons à bois.
Il faut convenir que pendant les premières années, les arbres ainsi conduits chargent beaucoup, donnent des fruits très-beaux & excellens pour peu que la greffe ait été bien choisie ; ensuite ils fleurissent à l’excès chaque année, si la saison les favorise, mais ils retiennent très-peu, & la durée de l’arbre n’excède pas dix à douze ans.
Je ne parle pas de la multiplicité des chicots, des têtes de saules, &c. qui se forment chaque année par la taille conduite par une main peu exercée, ou dirigée par un homme qui ne connoît aucun principe. Les chicots causent des chancres, les têtes de saule absorbent une partie de la séve, l’amusent à nourrir de faux bourgeons ; les bourrelets multipliés ne laissent passer qu’une séve très élaborée, & en très-petite quantité ; enfin par une cause ou par une autre, l’arbre est bientôt épuisé.
Ne seroit-il pas facile de prévenir une si prompte décrépitude ? Depuis un an j’ai planté des arbres en quenouille afin de suivre & d’étudier cette méthode que j’ai trouvée assez étendue dans les environs de Lyon ; je ne puis donc rien dire encore de bien positif. Je vais hasarder quelques conjectures, d’après ce que j’ai observé sur de vieux arbres taillés en gobelets, & surchargés de boutons à fruits sans presque un seul bouton à bois. Après les tailles des cinq ou six premières années qui doivent être supposées au moins chacune de trois pouces de longueur, & ce qui donne.déjà une branche de 18 pouces de diamètre, puisque je suppose qu’on n’a laissé que deux yeux à chaque taille sur bois nouveau, & par conséquent chaque œil éloigné de son voisin de 18 lignes ; voilà donc, en prenant les deux côtés de l’arbre, un massif, un diamètre de 3 pieds d’épaisseur. Cette forêt de branches ne portera du fruit qu’à l’extérieur, & l’intérieur sur une étendue de 2 pieds ne produira pas une seule feuille, attendu que les amateurs de cette méthode regardent comme un chef-d’œuvre de ne laisser aucune place à l’extérieur qui ne soit cachée par les feuilles. Dès-lors tout l’intérieur étant privé d’air, & tenu à l’ombre par les feuilles de la circonférence, les boutons avortent, & tout le travail de l’arbre est dans son extrémité. Ainsi, plus on multipliera successivement les tailles, plus le dia-