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avec une pointe d’épingle, & après plusieurs petits bonds circulaires, elles tombèrent mortes ; la punaise ointe de la même liqueur, fait quelques pas & meurt en se tournant sur le dos… Un insecte vert-doré, gros comme une fève, que nous nommons cuirassier, & qui attaque le poirier, en fut touché & mourut sur le champ, ainsi qu’un autre insecte de la même espèce qui avoit cependant vécu long-temps dans la chaux vive encore tiède. Les papillons, mouches, chenilles, hannetons, meurent plus ou moins promptement suivant la quantité d’essence dont ils sont atteints. Je me promis d’en faire usage sur les insectes & pucerons des arbres fruitiers[1] ».

« Je les ai détruits entièrement en mettant dans une jatte quelques poignées de terre jaune, sur laquelle je jetai une petite quantité d’essence ; je broyai bien le tout avec une spatule en y versant de l’eau jusqu’à consistance d’une bouillie très-claire ; je trempai le bout des branches attaquées, dans ce mélange, & l’insecte périt avec sa génération ; car l’essence détruit le germe des œufs des insectes[2] ; l’odeur qui reste pendant quelques jours à l’arbre, les en éloigne ; les branches en attendant se fortifient, se durcissent & ne craignent plus de nouvelles attaques… On peut au bout de quelques heures arroser l’arbre pour enlever la boue que l’opération y laisse, à moins qu’on ne veuille attendre la première pluie qui enlève le tout.

» Il faut un mélange de terre, parce que l’essence surnageant l’eau pure, ne se mêleroit pas assez intimement, & pourroit brûler les feuilles qui en seroient touchées directement, de même que si l’essence étoit en trop grande quantités[3]. M. l’abbé Roger de Schabol recommande le bain terreux comme un moyen de détruire cette espèce d’insecte, mais il s’en échappe beaucoup qui remontent le long de la tige de l’arbre,

  1. Note de l’Éditeur. L’odeur forte de l’essence de térébenthine peut écarter les insectes ; mais ce n’est pas cette odeur qui leur donne promptement la mort. Cette substance n’est pas miscible à l’eau & la surnage. C’est une véritable huile. Or, de toutes les huiles dont on touchera un insecte quelconque, il en périra. On sait que ces animaux ont le viscère, par lequel ils respirent, la trachée-artère, placée sur le dos, & cette ouverture étant bouchée par l’huile, l’animal ne peut plus inspirer ni respirer, il meurt. Si l’huile ne touche que la partie postérieure de son corps, & qu’elle ne s’étende pas sur l’ouverture de la trachée-artère, l’animal ne mourra pas presque subitement ; mais comme les huiles sont très-expansibles, & sur-tout l’essence de térébenthine, elles s’étendent peu à peu, gagnent la trachée-artère, & l’insecte en devient la victime,
  2. Ce n’est pas sans doute ceux des pucerons, puisque ces insectes sont vivipares ainsi qu’il a été dit ci-dessus.
  3. Par son mélange avec la terre, elle s’imprègne de ses sels, & si elle est en quantité proportionnée, elle forme un vrai savon qui devient soluble dans l’eau, & par-là susceptible d’être dissous & entraîné par l’arrosement ou par l’eau de la pluie. Si l’essence est en trop grande quantité, la portion qui n’aura pas été combinée en savon, restera huile, s’attachera aux parois de l’écorce, en bouchera les pores, $ nuira à la végétation.