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aussi fréquens que copieux, d’où l’on peut juger du nombre prodigieux de pucerons que ce ver détruit.

Les mange-pucerons de la seconde classe, ne le cèdent pas en voracité à ceux de la première, si même ils ne les surpassent : les plus singuliers de ces insectes sont ceux que M. de Réaumur a nommés lions-pucerons, parce qu’ils ont la tête armée de deux petites cornes semblables à celles du fourmilion, & avec lesquelles ils saisissent, percent & sucent les pucerons : la manière dont s’y prennent quelques-uns est très-curieuse, ils se font une espèce d’habillement, & en même-temps un trophée des peaux des pucerons qu’ils ont sucés ; on diroit Hercule revêtu de la peau du lion de Némée. Ces insectes se métamorphosent en de très-jolies mouches du genre des demoiselles, & qui, par un instinct naturel, vont déposer leurs œufs là où il y a le plus de pucerons : ces œufs méritent d’être observés, on les prendroit pour de petites plantes prêtes à fleurir ; chacun d’eux est porté par un long pédicule qui est comme la tige de la fleur, dont l’œuf semble être le bouton, celui-ci paroît s’épanouir lorsque le petit éclôt.

Au lieu de dard & de cornes, les mange-pucerons qui se changent en scarabées, ont reçu de la nature des dents dont ils se servent aussi avec un grand avantage : l’espèce qui mérite le plus d’être connue, est celle qui porte le nom de barbel-blanc, parce que tout son corps est couvert de touffes cotonneuses d’une grande blancheur, qui transpirent à travers sa peau & se façonnent dans de petites filières disposées à dessein. C’est encore des vers mangeurs de pucerons que provient ce joli petit scarabée hémisphérique, connu même des enfans sous le nom de vache à Dieu, de bête de la Vierge, qui n’épargne pas plus les pucerons sous cette forme, qu’il le faisoit sous la première.

Cependant, malgré tant d’ennemis ; l’espèce des pucerons se conserve, & même la manière dont s’opère cher eux la fécondation, est ce qu’ils offrent de plus intéressant. On a vu ci-dessus que dans la même famille de ces insectes, il y en a d’ailés & de non ailés : selon l’analogie ordinaire, les premiers devroient être tous des mâles & les seconds des femelles. C’est ainsi que parmi les papillons, il y a plusieurs espèces dont les femelles sont privées d’ailes, tandis que les mâles en sont pourvus ; & pour employer un exemple plus connu, on sait que le vert-luisant est une femelle qui a pour mâle un scarabée. Mais ce qui doit paroître une grande singularité parmi nos pucerons, c’est que les ailés comme les non ailés sont femelles ; on n’a pu jusqu’ici découvrir la manière dont les uns & les autres sont fécondés ; tous sont vivipares : dès qu’il ont atteint l’âge d’engendrer, ils ne semblent presque faire autre chose pendant plusieurs semaines. Les petits viennent au jour à reculons ; quand on les écrase doucement, on fait sortir de leur corps, quantité de fœtus dont les plus gros sont aisés a reconnoître pour des pucerons, & dont les autres ne ressemblent plus à des œufs ; ceux-ci ne seroient venus au jour que longtemps après ceux-là. Chez les quadrupèdes, les petits d’une même portée, ont tous la même grandeur ou à