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les allées même d’un jardin & sur le sol d’un verger. Mais pourquoi le prunier, plus que tous les autres arbres fruitiers, est-il sujet à pousser des drageons ? La solution de ce problème tient à l’examen de la végétation & de la nature de l’arbre.

Suivant la méthode presqu’universellement adoptée par les pépiniéristes, en sortant le sujet du séminaire, & en le plantant dans la pépinière, on lui coupe le pivot qui est déjà très-long. Cette longueur indique que la nature l’a proportionné au besoin que l’arbre en aura par la suite. Voilà donc la première loi naturelle violée. Le jeune arbre est forcé à produire des racines secondaires & latérales ; ces racines tendent d’elles-mêmes à s’enfoncer en terre, & elles s’y enfoncent effectivement si elles trouvent un fond perméable. Le moment est venu de sortir de la pépinière cet arbre, & de le planter chez le particulier qui l’achète ; mais comme dans les pépinières des marchands d’arbres, chaque pied n’est séparé de son voisin que de 18 pouces, il n’a donc effectivement qu’une largeur de neuf pouces tout autour de la tige qui lui appartienne en propre dans ce terrain ; cependant ces racines doivent s’étendre ; elles s’étendent effectivement en se mêlant & en se confondant avec les racines des arbres voisins. De cette confusion naît l’indispensable nécessité de mutiler & de couper dans cette étroite circonférence, les racines de l’arbre que l’on désire, autrement il faudroit creuser tout autour, & à une certaine distance. Le pépiniériste s’y opposera, parce que pour livrer un arbre, il faudroit déraciner les voisins ; alors il ne trouveroit plus son compte. Voilà donc par ces deux opérations, le pivot coupé & les racines secondaires étalement rompues auprès du collet. Ce malheureux arbre sera donc forcé par la suite de pousser de nouvelles racines d’un troisième ordre ; heureux si quelques-unes acquièrent de la force ; tout le reste ne sera plus qu’un amas de chevelus. Or c’est de ces chevelus qui tracent entre deux terres, que partent en général tous les drageons. Il en sort beaucoup, il est vrai, près du collet de la racine, ceux-ci tiennent en même temps à la constitution de l’arbre & aux défauts des racines.

Le prunier a son écorce, quoiqu’elle paroisse fort lisse, chargée de mamelons. La preuve en est que souvent elle laisse percer des bourgeons qui deviennent de forts gourmands, si on n’a pas, de bonne heure, le soin de modérer leur impétuosité. Dans l’arbre naturel, c’est-à-dire, celui auquel on a conservé son pivot & ses racines secondaires, l’équilibre subsiste entre les branches & entre les racines ; aussi ne voit-on jamais leurs pieds souillés par les drageons, parce que la sève descendant pendant la nuit des feuilles & des branches, aux racines, après s’être, pendant le jour, débarrassée & épurée de sa superfluité par la transpiration, est complètement réabsorbée par les racines ; mais dans l’arbre éduqué les racines ne peuvent recevoir toute cette sève, elle engorge les mamelons du collet des racines, & les force à se développer, c’est-à-dire, à devenir des bourgeons ; cette séve s’engorge également dans les chevelus qui courent entre deux terres presqu’à fleur du