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de soleil plus tard, sur une semblable vigne, opère une différence sensible. La bénigne & douce chaleur de cet astre prépare doucement le fruit à recevoir les impressions pendant la journée, tandis que quelques heures plus tard, cette marche progressive n’a plus lieu ; mais de fortes secousses de chaleur se sont sentir.

Presque tous les auteurs rejettent l’exposition au midi ; mais je suis charmé de trouver de mon avis M. de la Bretonnerie dans son ouvrage intitulé, École du Jardin fruitier, & que j’ai souvent cité avec plaisir.

Miller dans son Dictionnaire des Jardiniers, dit : « Les pruniers n’ont besoin que d’un sol médiocre, ni trop humide, ni trop lourd, ni trop léger, ni sec ; ceux que l’on plante contre un mur, veulent être à l’exposition de l’est ou du sud-est qui leur est plus favorable que celle du plein sud qui fait souvent rider & sécher leurs fruits ; plus ces fruits seront exposés à la chaleur du soleil, plus ils deviendront farineux ». Je ne sais trop ce que l’auteur ou son traducteur entend par ce mot. Veut-il dire sec, coriace, &c ; tout à [’heure je prouverai le contraire.

M. de la Bretonnerie, dans l’ouvrage déja cité, dit : » Quoique le prunier, en général, ne fasse pas un bon effet en arbre nain, il faut en excepter les pruniers de Reine-Claude, de Sainte-Catherine, & de Perdrigon hâtif, quand on les met en espalier au midi. Cette exposition privilégiée pour ces fruits, rend la reine-claude parfaite pour la couleur, si on la découvre à propos, de quelques feuilles, quinze jours avant sa parfaite maturité, & pour la qualité qu’elle acquiert, de même que la sainte Catherine & le perdrigons hâtif ».

Le premier de ces auteurs écrit pour l’Angleterre, & le second dans le climat de Paris. Je vais opposer à ces deux températures, un climat bien différent, celui des bords de la méditerranée, & en prenant les deux extrémités du royaume, on trouvera toutes les modifications de l’intérieur, à l’exception de celle des hautes montagnes. J’avois, près de Beziers, un prunier de reine-claude adossé contre un mur qui recevoit les rayons du soleil depuis son lever jusqu’à quatre heures du soir ; cette exposition dans un angle du mur, réunissoit donc l’est, le sud, & en grande partie le sud-est, au moins pendant la plus forte intensité de la chaleur. Je ne crains pas d’affirmer (même abstraction faite de toute idée de propriété) que je n’ai jamais mangé de reine-claude plus colorée, plus juteuse & plus parfumée. Il faut cependant convenir que le pied de cet arbre se trouvoit planté dans une plate-bande consacrée à la culture des fleurs, & que l’on arrosoit de temps à autre ; cependant, lorsque j’arrivai dans ce pays à la fin de juillet 1780, on n’avoit, pendant toute l’année, ni travaillé, ni arrosé une seule fois le terrain, & cependant ces prunes furent délicieuses. Il est donc démontré que dans un des climats de France le plus chaud, l’exposition du midi ne nuit pas au prunier ; donc elle doit lui être avantageuse dans le centre & dans le nord du royaume. Cette vérité deviendra bien plus palpable, si on se rappelle que cet arbre est originaire de la Syrie & de la Dalmatie ; on objectera qu’il mûrit même dans les pays montagneux, élevés & froids jus-