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tion d’un arbre placé derrière une maison & en plein nord, & celle d’un autre arbre qui, dans la même exposition, sera appliqué contre un mur de clôture. Je suppose même que la maison, que le hangard, &c ne soient pas plus élevés que le mur de clôture, parce que chacun sait que le prunier aime le grand courant d’air, & qu’il réussit très-mal dans les bas-fonds, soit à cause de la trop grande humidité qui y est concentrée, soit parce qu’il manque de ce courant d’air qui lui est si avantageux.

Après l’exposition au nord, celle à l’ouest est la moins convenable. Le prunier privé de la bénigne influence du soleil levant, ne reçoit ses rayons que lorsque l’air est embrasé par le midi ; & le soleil de deux à trois heures est le plus chaud de la journée. Si l’atmosphère est chargée de vapeurs, il arrive souvent, pendant le gros été, qu’elles font l’effet de la loupe, & qu’un coup de soleil dessèche subitement les feuilles, & fait périr l’arbre qui reçoit tout-à-coup une trop grande masse de chaleur à la fois. Supposons que la chaleur de l’atmosphère soit, à l’ombre, à 20 degrés du thermomètre de Réaumur, elle sera à 25 ou 26 ou 27 du même thermomètre, lorsque l’arbre commencera à recevoir les rayons du soleil ; cette transition sera presque subite & tout à coup trop forte. Pour le prouver, suivons la marche de la nature, & que chacun observe la progression diurne de chaleur dans son climat. Par exemple, au mois de juillet, & près de la méditerranée, la chaleur est ordinairement de 20 degrés lorsque le soleil se lève ; peu à peu elle dissipe la rosée presque toujours abondante dans ces parages, & son évaporation paroit rafraîchir l’air qu’elle embaume. À 9 heures, la chaleur est de 22 degrés, à midi de 25, à 2 heures de 26 à 27 : il est toujours question ici du thermomètre exposé à l’ombre ; mais si on le place au soleil, on trouvera 22 un quart d’heure à près qu’il est levé ; à 9 heures il est à 25 ou 26 ; à midi de 29 à 30 ; à 2 heures de 32 à 34. Ainsi la différence de chaleur que l’arbre éprouvera dans une journée, sera de 14 degrés. Ces données de chaleur varient d’un canton & d’un jour à l’autre ; mais elles sont le résultat, à peu près général, des observations que j’ai faites dans ces climats. Voilà l’extrême pour la France ; actuellement que chacun aille par dégradation de zones du midi au nord, & il trouvera la progression de chaleur à peu près semblable & conforme à la marche de celle du canton qu’il habite. D’où je conclus qu’une exposition qui ne reçoit le soleil que depuis deux heures jusqu’au soir, n’est pas la plus avantageuse pour le prunier. Il faut tapisser un mur de verdure ; voilà l’excuse & elle est légitime. Mais comme il s’agit ici d’apprécier la valeur des opinions des auteurs, il a fallu malgré moi entrer dans cette discussion.

L’exposition à l’est & sud-est, est sans contredit la meilleure & celle où tous les fruits à noyau acquièrent leur plus grande perfection ; il en est d’eux, si on y fait attention, comme des raisins. Les vignes bien abritées du nord, & toutes circonstances égales, qui reçoivent les rayons du soleil du moment que cet astre s’élève sur l’horizon, donnent toujours de meilleur vin : une heure ou deux