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de la seconde paire du même côté, qui l’empilait dans la palette triangulaire ; à peine cette petite portion étoit-elle placée, que les dents retournoient pour en détacher encore. Une abeille n’a pas si-tôt fait sa charge de propolis que de cire brute, il lui faut beaucoup plus de temps pour en remplir les deux palettes triangulaires qui sont placées aux jambes de la troisième paire ; & quand il faut s’en débarrasser, c’est une nouvelle peine, & elle a besoin du secours de ses compagnes.

Lorsqu’une abeille arrive avec ses deux palettes triangulaires remplies de propolis, elle invite ses compagnes à venir partager sa peine, & à l’aider à se débarrasser de son fardeau. Touchées des maux qu’elle a endurés en travaillant pour la société, elles se rendent à son invitation, & s’approchent d’elle pour lui ôter sa charge ; aussitôt une d’entre elles avance sa pince que font les dents sur la palette triangulaire où est la propolis, pour en détacher un morceau qu’elle emporte, & une autre vient après elle, pour en enlever aussi une portion & l’emporter : elles sont quelquefois obligées de tirailler si fort cette gomme tenace, que les poils qui bordent la palette triangulaire rendent encore plus difficile à enlever, parce qu’elle y est un peu attachée, que les jambes de celle qu’en décharge, cèdent aux efforts de ses compagnes officieuses, de sorte qu’on diroit que c’est un malfaiteur de la république qu’elles mettent à la question.


Section IV.

Quel usage les abeilles font-elles de la Propolis ?

Les abeilles employent la propolis comme une sorte de ciment dont elles bouchent toutes les ouvertures de leur habitation, qui sont inutiles, ou qui pourroient leur nuire par la suite ; souvent elles s’en servent pour enduire une bonne partie des parois intérieures de leur ruche. Dans d’autres circonstances elle leur est d’une grande ressource quand elles veulent bâtir une prison aux limaces & limaçons qui ont la stupidité de pénétrer dans leur domicile. Ces animaux, sans défense, cèdent bientôt, & meurent sous les coups d’aiguillons qui les punissent de leur témérité imbécile ; ce sont des masses énormes pour les abeilles, qui n’entreprennent pas même de les transporter hors de leur habitation. Cependant, pour prévenir la mauvaise odeur de ces cadavres qui pourroient les infecter, elles les couvrent de toute part de propolis. M. Maraldi rapporte qu’il a vu un limaçon qu’elles en avoient enduit par-tout : M. de Réaumur a vu la même chose sur des limaces, & entre autres sur un limaçon, qui avoit appliqué les bords de l’ouverture de sa coquille sur un carreau de ses ruches vitrées : les abeilles avoient appliqué un cordon épais de propolis tout autour de l’ouverture de la coquille, & contre le carreau de verre. Le limaçon se trouva arrêté par cette matière bien plus tenace que celle qu’il emploie lui-