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plus loin que le bassin, & le pressureur de salir avec la boue qu’il peut avoir à ses pieds, le vin qui coule sur le bassin, on pourra se servir d’un tablier fait de voliges de bois blanc, comme le plus léger & le plus facile à manier, qu’on mettra contre les flasques devant & derrière le coffre, & qui couvrira le bassin.

Les deux ou trois dernières serres donneront ce qu’on appelle vin de taille & de pressoir ou de dernières gouttes ; il faut mettre à part ces deux ou trois espèces de vin pour être chacune entonnée séparément dans des poinçons.

Je préviens le maître pressureur, que quand il aura desserré son pressoir, il aura de la peine à faire sortir les brebis de leur place à cause de la forte pression. C’est pourquoi je lui conseille de se servir d’une forte masse de fer pour les chasser & retirer. Le marc étant entièrement desséché & découvert, on le retirera du coffre & on se servira pour l’arracher d’un pic de fer, de la graisse dont j’ai déjà parlé, & de la pelle ferrée.

Supposé qu’on se serve de ce pressoir à coffre, on peut égrapper les raisins dans les tonneaux, ce qu’on ne peut faire en se servant des autres pressoirs[1] sur lesquels une partie des grappes est nécessaire pour lier le marc qui, sans ce secours s’échapperoit de toutes parts à la moindre compression.

En égrappant ces raisins dans le tonneau ou dans la cuve, on pourroit les laisser cuver plus long-temps ; on n’auroit plus lieu de craindre que la chaleur de la cuve ou des tonneaux ; emportant la liqueur acide & amère de la queue de la grappe, la communique au vin, ce qui rendroit le goût insupportable.

Toute espèce de vin, surtout le gris, demande d’être fait avec beaucoup de promptitude & de propreté, ce qui ne se peut facilement faire sur tous les pressoirs, les pressureurs amenant avec le pied beaucoup de saleté & de boue qui se répandent dans le vin ; ce qui y cause un dommage beaucoup plus considérable qu’on ne pense, sur-tout pour les marchands qui l’achètent sur la lie, comme les vins blancs de la rivière de Marne, où ce défaut a plus souvent lieu que par-tout ailleurs.

Les forains ou vignerons de la rivière de Marne diront, tant qu’il leur plaira, que le vin trois ou quatre jours après qu’il est entonné, jettera en bouillant ce qu’il renferme d’impur, ils ne persuaderont pas les personnes expérimentées dans l’art de faire le vin, qu’il puisse rejeter cette boue, la partie la plus pesante & la plus dangereuse de son impureté ; cela n’est pas possible. Peut-être ceux d’entre eux qui se flattent & se vantent de mieux composer & façonner leur vin, répliqueront-ils qu’ils mettent à part la première goutte qui coule depuis le moment qu’ils ont fait mettre le vin sur le pressoir, jusqu’à l’instant auquel on donne la première serre, & qu’ils ne souffrent pas que cette première goutte entre dans la cuvée. On veut bien les croire, mais combien y a-t-il de gens qui prennent

  1. Note de l’Éditeur. L’expérience de tous les jours prouve le contraire, ainsi qu’on le verra dans la description de la manière de monter une pressée sur les pressoirs à étiquet, à tesson, &c.