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sur le même pied, & dont les fruits sont secs ; il l’appelle platanus. Von-Linné le classe dans la monoécie polyandrie, & lui conserve la même dénomination.

L’historique de cet arbre fera sans doute plaisir à nos lecteurs : je l’emprunte de M. le Baron de Tschoudi, à l’article platane, du supplément de l’Encyclopédie. « Cet arbre naturel à l’orient, est un des arbres les plus anciennement connus, & des plus illustres. La sagesse, par la bouche de Salomon, a célébré ces arbres majestueux qui s’élevoient dans les vallées solitaires du Liban ».

» Bientôt le platane fut cultivé en Perse, où l’on en fait encore aujourd’hui un cas singulier, non-seulement à cause de sa beauté, mais parce qu’on prétend que sa transpiration mêlée à l’air, qui s’annonce par une odeur douce & agréable, donne des qualités excellentes au fluide que nous respirons[1]. Les anciens grecs, ce peuple si sensible aux bienfaits de la nature, l’ont cultivé avec les plus grands soins. Les jardins d’Épicure en étoient décorés ; c’est là qu’Aristote, au milieu de la foule de ses disciples, jetoit sur la nature ce coup-d’œil vaste qui nous a appris à la bien voir. »

» Le platane, selon Pline, fut d’abord apporté dans l’isle de Diomède, pour orner le tombeau de ce roi ; de-là il passa en Sicile, & bientôt en Italie ; de là en Espagne, & jusque dans les Gaules, sur la côte du Boulonnois, où il étoit sujet à un impôt. Ces nations, dit ce naturaliste, nous paient jusqu’à l’ombre dont nous les laissons jouir. Il parle d’un fameux platane qui se voyoit en Lycie, dont le tronc creux formoit une grotte de 81 pieds de tour ; la cime de cet arbre ressembloit à une petite forêt. Il y a dans l’isle de Chypre une espèce de platane qui ne quitte pas ses feuilles ; mais les

  1. Note de l’Éditeur. Chardin, dans la Relation de ses voyages, dit : « Les arbres les plus communs de la Perse, sont les platanes ; les persans tiennent qu’il a une vertu réelle comme la peste & contre toute autre infection de l’air ; ils assurent qu’il n’y a plus eu de contagion à Hispahan, leur capitale, depuis qu’on en a planté par-tout, comme on a fait dans les rues & dans les jardins. Il est démontré au mot Air Déphlogistiqué, Tome I, page 341 du Cours d’Agriculture, que la transpiration de presque toutes les plantes, fournit cet air pur ; que cet air s’unissant à l’air atmosphérique, le rend salubre ; que l’air que nous respirons ne contient qu’un tiers d’air pur, & les deux autres tiers d’air méphitique, & que cet air méphitique ou mortel seroit en bien plus grande quantité s’il n’étoit en grande partie absorbé par les plantes, & s’il ne servoit à leur végétation. Consultez les articles Amendement, Engrais, & le dernier chapitre du mot Agriculture. J’ai peine à croire, d’après l’opinion des persans, que la transpiration des platanes préserve de la peste. Ce mal terrible n’est point répandu dans l’air, (consultez le mot Miasme) & il est bien prouvé aujourd’hui d’après les lettres sur l’Égypte, nouvellement publiées par M. Savari, que la peste n’est point originaire ou indigène dans ce pays, mais qu’elle y est apportée par les turcs, chez qui l’absurde système de la fatalité, interdit toutes les précautions qu’on pourroit prendre pour s’en préserver ; ils sont les vrais promoteurs de ce fléau terrible. Quoiqu’il en soit, les végétaux & les arbres sur-tout, purifient l’air, & si on les multiplioit dans les grandes villes, autour des cimetières, des voiries, &c. l’on y respireroit un air bien plus salubre ; mais la santé des habitans est ce dont on s’occupe le moins.