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mais sa vente équivaudra au produit qu’on auroit retiré sur la même superficie couverte d’herbe. Le rehaussement doit excéder d’un pied le niveau des eaux moyennes, parce que le cas des eaux extraordinaires est très-rare, & communément elles trouvent une issue, à moins que ce fond ne ressemble à celui d’un lac. Le sol ainsi disposé offrira une très-bonne prairie : un pied ou six pouces de terre suffisent suivant les circonstances & dans le cas présent, à l’entretien & à la prospérité de la meilleure herbe. L’humide cherche toujours à s’évaporer, & il est retenu par les racines pendant son ascension. C’est d’après cette théorie que dans beaucoup d’endroits sur les bords de la Charante, on corrige les prairies marécageuses en y transportant des gravats, des pierrailles que l’on recouvre ensuite de quelques pouces de terre seulement. De telles prairies sont très-bonnes & ne redoutent jamais les grandes sécheresses. La couche d’eau n’est jamais nuisible, lorsqu’elle est au-dessous des racines ; mais elle le devient beaucoup lorsqu’elle afleure le collet de la plante & sur-tout lorsqu’elle le surmonte. Ces trois manières d’être de l’eau, donnent toute la théorie de la conduite des prairies.

Avant d’en venir à la destruction totale de la prairie, si l’on peut supprimer les causes qui la ruinent insensiblement, ainsi qu’on vient de le dire, enfin si la mousse l’a gagnée, si les joncs se sont multipliés, il est facile, après l’exsiccation assurée, de détruire les mousses &c. ; toute espèce de cendre que l’on répand largement, & dont on couvre le sol produisent cet effet ; la chaux éteinte à l’air, ainsi que le plâtre réduit en poudre, obtiennent le même succès. Il ne faut pas une aussi grande quantité de chaux que de plâtre, & la mesure pour l’un comme pour l’autre est que la superficie du terrain paroisse blanche. Ces trois substances agissent sur les mousses & plantes marécageuses par les sels alcalis qu’elles contiennent. On doit les répandre sur la prairie à l’entrée de l’hiver. La chaux en poudre est la plus active ; après elle les cendres, sur-tout si elles n’ont pas été lessivées.

II. De la destruction des prairies épuisées. Les prairies s’épuisent lorsque l’on laisse gagner les herbes étrangères, & parasites : toutes les grosses plantes telles que la bardane, la consoude, l’orvale, &c., se multiplient à l’excès, étendent dans la circonférence de leurs tiges, des feuilles amples qui restent couchées sur le sol, & par conséquent étouffent les graminées sur lesquelles elles reposent. Toutes les espèces de mousses sont pour le moins aussi pernicieuses, parce qu’elles gagnent de proche en proche, tapissent la superficie du sol & privent le collet & les racines des bonnes plantes de l’influence de l’air.

C’est toujours la faute du propriétaire, lorsque des prairies dont le sol est bon, & qui sont susceptibles d’irrigation, parviennent a cet état de délabrement. Ils s’en sont rapportés à l’inspection de leur maître-valet ou de leurs fermiers. Les premiers n’ont d’autre intérêt à la chose que celui de recevoir leur salaire au terme fixé, il leur importe fort peu que la prairie soit bonne ou mauvaise. Le fermier ne met en ligne de compte que ce qu’il doit retirer & ne fera jamais aucune avance en journées dont le bénéfice pourra être pour son successeur. Si le pro-