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des passages, & sur-tout après chaque crue ; à les tenir nettes & dépouillées de toute espèce d’herbe. Règle générale, une eau quelconque stagnante dans une partie de la prairie, détruit la bonne herbe, & n’en produit que de mauvaise. Si le bois est abondant dans le canton ; si on ne craint pas le dégât des eaux courantes, les arbres demandent à être abattus ; les eaux ne feront aucun affouillement tant que leur lit sera débarrassé de toute espèce de broussailles, de bois morts &c., & ses-bords coupés sur l’angle de 45 degrés, encore mieux de 50 à 60, le tout recouvert par l’herbe fine. Les plantes fortes sont retenues, augmentent la vélocité du courant & il creuse sur les deux côtés. D’ailleurs, par la suppression de ces arbres, toute la partie de la prairie qu’ils couvroient de leur ombrage, en deviendra meilleure, sera moins sujette aux gelées blanches, & produira un foin bien supérieur au premier ; ainsi, ce que l’on perd par la soustraction des arbres, on le gagne par la bonification du pré : c’est au propriétaire à calculer lequel des deux partis sera le plus avantageux.

2°. Une prairie devient marécageuse, par le défaut du sol trop glaiseux, trop argileux ; c’est le cas alors de ne laisser jamais séjourner l’eau pendant l’automne, & surtout pendant l’hiver. Il vaut mieux, lors des irrigations du printemps & de l’été, les donner moins abondantes & plus répétées.

3°. Les autres causes tiennent au local, par exemple, si le sol n’a aucune pente & s’il consiste en un fond dont les bords soient plus relevés. Dans l’un & l’autre cas, on doit commencer par examiner si l’étendue & la qualité du terrain méritent qu’on y fasse quelques dépenses pour l’assainir & jusqu’à quel point le bénéfice équivaudra à l’avance projette. Si le bénéfice est démontré clairement, & quand même on ne retireroit pas tout-à-fait l’intérêt courant de sa mise, on ne doit plus balancer, parce qu’aucune somme n’est jamais mieux placée qu’en bien-fonds. Alors on s’entend, on s’accommode avec ses voisins, afin qu’ils permettent que le canal d’arrosement traverse dans & sous leurs champs. Un semblable canal recouvert de deux pieds de terre, ne nuit en aucune manière à la culture des grains & assainit ces champs ; car il est bien rare que si les supérieurs sont marécageux, les inférieurs ne le soient aussi. Il existe très-peu de circonstances où il ne soit pas possible de procurer un écoulement ; car un terrain ainsi placé formeroit un lac ou un étang naturel.

Si le terrain est marécageux, si les voisins s’opposent, pour des raisons quelconques, au passage des eaux, on peut, à l’exemple des hollandois, du fossé faire la terre. À cet effet, on examinera quelle est la plus grande élévation des eaux, & habituellement leur élévation moyenne. Cette observation sert à calculer l’ouverture, la largeur, longueur & profondeur nécessaires à donner au fossé pour en retirer une quantité suffisante & capable de rehausser assez le sol. Si le fossé transversal ne suffit pas, on en ouvrira de transversaux au premier & en quantité proportionnée au besoin. Si l’atmosphère du pays est naturellement humide & pluvieuse, les fossés seront empoissonnés : le poisson il est vrai, n’en sera pas bien délicat,