Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soleil est déja très-forte en avril dans les provinces du midi. Si elle travaille & réunit son action à celle des engrais, elle force la nature, & la nature aime la marche progressive & sans effort.

Je conseille, depuis le milieu de septembre jusqu’au milieu d’octobre, de transporter dans le réservoir placé dans la partie de la prairie la plus élevée, tout l’engrais qu’on se propose de donner ; l’engrais est jeté dans le réservoir rempli d’eau jusqu’au quart ou jusqu’au tiers, suivant son volume & suivant celui de l’engrais ; de sasser dans cette eau l’engrais, de l’y bien étendre & diviser, enfin de l’y laisser fermenter pendant quinze jours. Il vaut mieux que cette préparation pèche par le peu d’eau que par le trop ; s’il y en a beaucoup, les principes susceptibles de fermentation ne seront pas assez rapprochés ; dès-lors elle sera lâche, lente, foible, insensible, à moins que la chaleur de l’atmosphère ne soit très-forte ; s’il n’y a pas assez d’eau, l’engrais s’échauffe trop, ses principes les plus volatils se subliment, & son air fixe & inflammable s’évapore : le tout doit former une bouillie assez claire. Cette règle générale suffit. Après les quinze jours, plus ou moins, on laisse venir de nouvelle eau dans le réservoir, mais en petite quantité ; elle fermente à son tour avec la première, & ainsi de suite jusqu’à ce que le réservoir soit entièrement plein. À la fin d’octobre ou au commencement de novembre, on ouvre le canal de conduite ; lorsque la prise fournit une quantité suffisante d’eau, on ouvre le dégorgeoir supérieur, & l’eau imprégnée de toutes les substances fermentées & combinées de l’engrais, s’échappe & se répand sur toute la prairie ; mais on a eu soin auparavant de remplir de fagots toute la hauteur & la largeur du canal d’introduction, afin que les branchages retiennent les pailles & les autres débris grossiers de l’engrais. On doit veiller exactement sur ces fagots, dans la crainte des engorgemens & par conséquent de la perte de cette eau par les bords supérieurs du réservoir. Tant que l’eau sort trouble par le canal d’introduction, on doit en laisser venir de nouvelle par la conduite. On ferme celui-ci dès que l’eau n’a plus les qualités requises. Supposé qu’une partie de la prairie n’eût pas pu être arrosée, on lève la bonde inférieure du réservoir quelques jours après, & avec les précautions indiquées ci-dessus, on y conduit cette nouvelle eau engraissée. Cependant tous les principes constituans de l’engrais ne sont pas entraînés par l’eau, il en reste encore quelque peu dans le résidu ; pour en profiter, on remplit de nouveau le réservoir au quart ou au tiers, & cette eau sert, à l’approche de l’hiver, à imbiber la partie de la prairie reconnue la plus mauvaise. Ensuite le réservoir est nettoyé à fond, & la terre que l’on en retire, mêlée avec le résidu de l’engrais, placée sur un des bords du réservoir, y fermente pendant une année & devient un excellent engrais que l’on répand sur la prairie où le besoin l’exige.

Dans les provinces du centre du royaume & du nord, la rigueur des hivers ne permet de semer un pré qu’à la fin de février ou au