Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/415

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les fait sans ouvertures lorsqu’on a une grande quantité d’eau, ou que le terrain a beaucoup de pente ; on y ménage des ouvertures lorsqu’on a moins d’eau, qu’elles servent à économiser davantage, & lorsqu’on a lieu de craindre que des feuilles, des brins de paille ou de foin ne mettent obstacle au cours latéral de l’eau.

Tous les canaux, sur-tout les rigoles, doivent être faits avec propreté, avec exactitude, tirés au cordeau afin que rien n’arrête l’eau dans son cours. Pour former ces rigoles dans les prés, les paysans de Suisse ont des espèces de haches, fortes, pesantes, armées d’un long manche, & assez semblables à celles dont les charpentiers se servent pour parer les poutres après les avoir dégrossies. Ailleurs on le sert de la bêche. Lorsque le gazon est tranché des deux parts le long du cordeau, ils le détachent adroitement avec une bêche de bois garnie de fer qu’ils poussent devant eux. La même bêche peut faire toute l’opération. Quelques-uns emploient un instrument plus expéditif pour tracer & couper le gazon ; c’est un grand couteau avec deux douilles où s’emmanchent deux perches. Un homme tire celle qui est devant & un autre pousse celle de derrière. Le gazon se coupe ainsi le long du cordeau avec beaucoup de propreté & de promptitude. On le détache comme ci-dessus.

Le canal de décharge est celui qui en tout temps reçoit le surplus des eaux, ou le ruisseau en entier lorsqu’on ne veut pas arroser. Ce canal a pour l’ordinaire une écluse pour mesurer ou écarter les eaux. Le canal de dérivation, lorsqu’il a une issue commode dans le bas, peut servir de décharge ; quelquefois le canal de conduite en fait la fonction ainsi que le canal d’introduction ; tout cela dépend de la position de l’eau.

Les canaux de repos sont des fossés ou tranchées qui coupent transversalement le pré, & qui ont un peu plus de profondeur & de largeur que les rigoles. Ils servent à porter les eaux sur quelques endroits trop élevés où les rigoles ne peuvent atteindre, ou qu’elles n’arrosent pas suffisamment ; ils distribuent l’eau avec plus d’uniformité sur une prairie qui a des pentes en plusieurs sens, ou qui en a peu ; dans ce cas on donne à ces canaux des courbures assorties aux inégalités de la surface.

Les canaux de reprise sont les rigoles qui partent des canaux de repos. La dérivation dépend des inflexions du canal de repos d’où elles sortent, comme aussi de la pente du terrain.

Les canaux d’écoulement sont des fossés plus ou moins profonds, placés au dessous de la prairie, & destinés à recevoir les eaux après qu’elles ont servi à l’arrosement, & à les jeter dans des fonds où elles ne puissent causer aucun préjudice. Sans ces canaux il se formeroit des marécages dans les endroits bas.

On compte encore des canaux de dessèchement ; on les établit au bas de la pente ou bien entre les pentes & dans tous les endroits spongieux sans exception ; ils sont d’une absolue nécessité. Il y a des terres qui retiennent l’eau ou qui sont situées & disposées de façon à ne pas favoriser son écoulement. Elles dégénéreroient bientôt en marais, si l’on n’avoit soin d’y couper une tranchée que l’on laisse ouverte ou que l’on couvre. Ce dernier parti est à préférer.