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des frais considérables, quoique d’une médiocre qualité, ne doivent pas être négligées ; elles peuvent servir à abreuver les prés en les employant avec quelques précautions, ou bien après avoir été corrigées. Les eaux visqueuses font un assez bon effet sur les terres légères où elles déposent toujours des particules propres à leur donner plus de consistance ; celles de tuf sont utiles sur les terres légères ou peu compactes ; les eaux marécageuses, après qu’on leur a donné du cours, & qu’on les a rendues vives de stagnantes qu’elles étoient ; les eaux trop chaudes ou trop froides, en les employant dans les temps qu’elles ont une température proportionnée à celle du terrain ; mais on comprend aisément que la distribution de ces eaux vicieuses ou médiocres, exige plus d’attention, de soin & d’exactitude que l’économie des bonnes eaux. Le parti le plus simple, lorsque nous avons découvert quelque vice dans les eaux dont nous sommes en possession, est de chercher à le corriger : en voici les moyens.

» 1°. On peut quelquefois, avec assez de facilité, empêcher les eaux de contracter de mauvaises qualités, en changeant leur cours, & en les détournant des terres visqueuses, topheufes, marécageuses, ferrugineuses, vitriolique, &c. Celui qui laisse couler les ruisseaux & les sources au hasard, sans faire attention qu’en changeant leur cours, il en reviendroit des avantages réels, ne mérite pas, sans doute, le nom de cultivateur intelligent. Réformer la nature & chercher, la sonde à la main, à connoître son sol, pour remédier aux inconvéniens, c’est appeler la raison & l’expérience au secours d’un travail aveugle & mécanique.

» 2°. Mélange d’une eau bonne avec des eaux de qualité inférieure, est un moyen qu’on doit mettre en usage toutes les fois que la bonne n’est pas en quantité suffisante, & que la mauvaise n’est pas assez abondante pour noyer la bonne. Faites passer vos eaux visqueuses, ferrugineuses, &c. dans l’égoût du fumier, & vous les rendrez excellentes. Réunissez vos sources de différentes qualités sans rien craindre ; leur réunion vous met en état de conduire les eau par tout où il est nécessaire, & de donner de féconds arrosemens à vos prairies. Je conseille cependant au propriétaire de ne pas mêler les eaux de manière qu’il ne puisse les séparer, pour employer à part les bonnes, lorsqu’il le jugera à propos. Il y a telles saisons où les eaux médiocres doivent être détournées, lorsque celles de la première qualité peuvent être suffisantes.

» 3°. On corrige les eaux par le moyen des étangs ; à cet égard, on suit diverses pratiques, suivant le vice qu’on veut ôter à l’eau ; si elle est trop froide, & que sa température ne soit pas accommodée à celle du terrain, on lui procurera la chaleur convenable, au moyen d’un vaste réservoir ou d’un étang exposé au midi, dans lequel on fait séjourner cette eau, jusqu’à ce qu’elle ait perdu sa trop grande fraîcheur. On augmente encore sa chaleur plus promptement par le moyen de la chaux & du fumier de cheval, nouvellement tiré des écuries & que l’on jette dans le réservoir. Quand même on ne pourroit ôter à ces