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une humidité suffisante dans le sol. S’il survient une sécheresse, le surplus de ces eaux aura imbibé un peu plus le sol, mais la terre ne peut être imbibée & retenir qu’une certaine quantité d’eau, laquelle passée, le surplus s’écoule par la pente naturelle de la prairie, ou bien elle filtre dans la couche inférieure. Ainsi, dans les climats naturellement secs, ces eaux accidentelles sont comme eau d’un secours instantané, ou du moins dont l’efficacité se soutient pendant quelques jours, plus ou moins longtemps, suivant le degré de chaleur qu’on y éprouve.

Au contraire, dans les pays tempérés, dans ceux où le raisin acquiert rarement une maturité complette, il est clair qu’il y aura moins d’évaporation, & que les pluies y sont plus fréquentes ; dès-lors les eaux pluviales rassemblées avec soin, seront d’un très-grand secours aux prairies non arrosées à volonté, mais dans l’un & dans l’autre climat, que deviendront ces prairies si la sécheresse survient ? On se ressouviendra pendant long-temps de la fatale année 1785.

Les saignées & les prises de ces eaux accidentelles sont souvent la cause de la dégradation presque complette d’une vaste prairie si elle est en pente, ou de son engravement si elle est en plaine. Il ne faut pour cet effet, qu’une forte pluie d’orage qui transforme les filets d’eau ordinaires en torrens : de telles pluies entraînent avec elles les terres, les sables, les pierrailles des coteaux supérieurs ; cet amas d’eau trouve une pente préparée dans l’endroit de la prise ; peu à peu cette prise se dégrade, se creuse, s’élargit & ouvre un libre passage à l’impétuosité du torrent. Il est facile de se représenter les ravages qui en sont la suite. On dira que ces événemens sont rares ; & c’est précisément parce qu’ils sont rares qu’une folle sécurité empêche de les prévenir. Il est cependant un moyen, & il consiste à ménager vers la prise d’eau, un réservoir aussi grand que le local & les circonstances le permettent, & d’une profondeur proportionnée à son étendue. Il aura une entrée pour l’eau & deux sorties. La première sortie, qui sera supérieure, versera dans le chemin l’eau superflue qui excédera son niveau, & la sortie inférieure fermée par une bonde, par une trappe ou porte comme celle d’un étang, (consultez ce mot) que l’on ouvrira eu fermera à volonté suivant le besoin, soit afin d’arroser, soit quand il s’agira de nettoyer ce réservoir. La sortie de l’eau supérieure doit servir à deux usages ; le premier, à renvoyer l’eau superflue dans le chemin ; & le second, à laisser couler cette eau dans la partie la plus élevée de la prairie, d’où par des rigoles sagement ménagées, elle se répandra sur toute sa superficie. Lorsque l’eau ne coulera plus dans celle-là, on ouvrira la porte inférieure & l’eau du réservoir continuera à s’écouler jusqu’à la fin. Cette porte sera aussitôt après soigneusement fermée, afin de conserver les nouvelles eaux qui surviendront, & avoir la facilité de les donner en masse. Quant à la sortie supérieure de l’eau, une simple palée suffira pour la faire couler ou dans le chemin ou dans le pré, suivant les circonstances ; mais on doit avoir pour cette palée la même attention que pour la trappe