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mieux ne pas y songer que de mal faire cette opération. Je vais proposer la seule manière de fixer un bon choix.

Lorsque l’herbe de la prairie est mûre & prête à être fauchée, des hommes ou des femmes tenant d’une main un sac ou des paniers à anses, & de l’autre des ciseaux ou une petite faucille, marchent immédiatement avant les faucheurs, c’est-à-dire, devant la partie qu’ils viennent d’abattre ; ils coupent les sommités de la plante dont ils désirent avoir la graine, & aussitôt ils jettent la panicule dans le sac. L’opération a lieu, comme on le voit, sans gêner le travail des faucheurs, & les sacs sont uniquement remplis de la seule espèce de graine que l’on désire. L’opération se continue jusqu’à ce que l’on juge avoir la provision convenable. Tous les sacs sont ensuite portés & vidés sur l’aire où les panicules sont étendues & restent exposées au soleil afin de dessécher la graine. Chaque soir, & avant le soleil couché, toute la masse est rassemblée en un ou plusieurs monceaux, afin que la rosée & l’humidité de la nuit la pénètrent moins. Le lendemain la graine est étendue de nouveau, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’elle soit bien sèche. Alors on répand le tout sur l’aire, sur l’épaisseur de 4 à 6 pouces, & on bat cette graine comme on bat le blé ; on la vanne autant que faire se peut, & on la conserve dans des sacs, ou amoncelée, mais toujours dans un lieu sec.

Voilà la seule méthode pour recueillir facilement & sûrement chaque espèce de graine séparée. On peut, si on le veut, ramasser ensemble celle des trois fromental indiqués ci-dessus, mais aucune autres avec elle, parce que ces trois plantes du même genre croissent assez bien ensemble.

Plusieurs auteurs conseillent de réunir au grand & au moyen fromental, la graine du grand & du moyen trèfle, (Consultez cet article) Je ne suis point de cet avis par les raisons données ci-dessus. Il vaut mieux semer ces deux trèfles à part, & sur-tout la première espèce, afin d’établir des prairies artificielles. Ces espèces disparates troublent l’ordre de la végétation, s’entre-détruisent, & les folioles des plus basses restent sur le pré lors de la fauchaison ; ainsi, d’une manière ou d’une autre, ce mélange désordonné augmente si peu le volume du fourrage, qu’on peut sans crainte regarder son produit comme inutile. Si on vouloit recueillir séparément, mais par la même opération, la graine des trèfles & des fromental, on perdroit un temps précieux à cette époque, & on gêneroit le travail des faucheurs ; il faut avoir des cantons isolés semés en trèfle qu’on laisse grainer après la première coupe & que l’on bat ensuite. Il est donc démontré, d’après cette méthode facile à exécuter, que chaque propriétaire peut récolter sur son fonds la quantité de graines dont il aura besoin, & qu’il sera assuré d’avoir une graine excellente, tandis que pour l’ordinaire celle qu’on a achetée chez les marchands ne lève souvent qu’au quart ou tout au plus par moitié ; & souvent ce n’est qu’un reste des débris d’un grenier à foin dont on a enlevé les feuilles & leurs débris. Un pré semé avec cette graine est pour l’ordinaire recouvert l’année d’après, d’une mul-