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la plante & les fluides séveux qui la nourrissent.

Dans les prairies schisteuses, graniteuses, sablonneuses, &c. le secours des engrais n’est pas sans effet ; mais il est de peu de durée. Le sol est trop mouvant, trop perméable, & sans des irrigations soutenues, il ne produiroit qu’une herbe courte, maigre & chétive.

Dans les bas fonds, c’est-à-dire, ceux où l’eau stagne habituellement, l’herbe en est aigre & de mauvaise qualité, parce que les principes constituans de la sève sont étendus & noyés dans une trop grande quantité d’eau de végétation.

Les prairies exposées directement au nord, & qui ne reçoivent presque jamais la bénigne influence des rayons du soleil, donnent un foin, qui pour la qualité se rapproche beaucoup de celui des prairies aquatiques, non pas que l’une & l’autre prairie nourrissent les mêmes espèces d’herbes, mais parce qu’en général leurs sucs ne sont pas assez élaborés. Je ne cesserai de répéter que la lumière est l’ame de la bonne végétation, & que la chaleur la rend parfaite. Il en est des graminées des prairies, comme des graminées céréales. Les blés de nos provinces du nord sont plus renflés, plus gros que ceux de nos provinces du midi, & à mesure égale de grains on trouvera que ceux-ci pèsent plus, donnent moins de son & un pain plus beau & sur-tout plus nourrissant, il en est ainsi des pailles de froment. En Espagne on les trouve sensiblement sucrées, & cette douceur diminue petit à petit, à mesure qu’on se rapproche du nord. Il en est ainsi des graminées des prairies pour le royaume de France ; quelques exceptions ne détruisent pas la certitude de ces assertions.

Le foin des prairies de la plaine, comme ses blés, n’a jamais, à un égal degré, la qualité savoureuse & nutritive des grains & des herbes des coteaux bas, ceux-ci des coteaux plus élevés, & enfin des hautes montagnes, mais à mesure de l’élévation du lieu, l’herbe diminue de hauteur & gagne en finesse & en parties aromatiques ce qu’elle perd en élévation. Les arbres, eux-mêmes, sont fournis à cette loi, & jusqu’au sapin altier, qui n’acquiert que la hauteur d’un arbrisseau lorsqu’il cesse d’être à un certain point au-dessus du niveau de la mer. Il n’y a qu’une seule loi de végétation dans la nature, mais modifiée pour chaque espèce de plante, & qui varie encore suivant les sites, le sol, le climat, &c.

Le meilleur champ à froment, sera sans contredit le plus avantageux pour les prairies, soit dans la plaine, soit sur les coteaux, soit pour la prairie arrosée & principalement pour la prairie non arrosée, puisque l’herbe doit tirer du sol & des pluies toute sa nourriture & sa forte croissance ; l’autre au contraire est favorisée par des irrigations. Avant de se déterminer à sacrifier à ce genre de culture un sol aussi productif, il est prudent d’examiner attentivement ce qui a été dit au Chapitre premier, & je répéterai de nouveau qu’il faut des raisons purement locales, majeures, visiblement très-avantageuses & prépondérantes, pour consentir à ce sacrifice. Je ne serois pas si circonspect si le sol est de qualité, je ne dis pas mauvaise, mais un peu au-dessus du