fourrages produits par les prairies artificielles ne deviennent si abondans, qu’ils balancent ou fassent tomber le prix des premières. Heureux le royaume, heureuse la province où la nourriture du bétail, des troupeaux & de la multitude prodigieuse de chevaux entretenus par le luxe des grandes villes, n’oblige pas de sacrifier aux prairies le tiers de son terrain.
Malgré le produit de ces prairies, qui diminue de jour en jour, on ne doit, raisonnablement parlant, conserver que celles qui sont sujettes à être inondées de temps à autre, lorsque les eaux des rivières franchissent leurs lits. Elles sont même indispensables dans ce cas, parce que la superficie du sol étant tapissée d’herbes serrées, les eaux coulent, glissent par dessus, & ne peuvent entraîner la couche végétale. Il y a plus ; à chaque inondation, le limon qui contient beaucoup d’humus ou terre végétale dissoute par l’eau, fait un dépôt & devient le meilleur des engrais. Dans tous les cas, ces prairies doivent être rigoureusement conservées, & par la même raison celles qui sont sur des coteaux en pentes un peu rapides ; mais toutes les autres dont le sol est bon, dont la couche est profonde, je ne crains pas d’avancer qu’elle rendront intrinsèquement plus, cultivées grains & alternées ainsi qu’il a été dit, à moins que les circonstances locales, la proximité d’une ville, la chaleur dévorante des pays méridionaux ne s’y opposent. Si au contraire la masse du sol est composée des débris des schistes, des granites, ou de toutes autres terres peu susceptibles d’une bonne végétation en grains-froments, il est avantageux de conserver de telles prairies, parce que leur métamorphose seroit peu utile, & elles rendroient moins au propriétaire.
Tout homme de bon sens & qui pèsera mûrement ce quï vient d’être dit, conviendra que ces assertions ne tiennent pas au paradoxe, & que souvent on conserve par habitude & par préjugé en prairies, un sol susceptible d’un produit supérieur en grains, à moins que les circonstances locales ne s’y opposent.
CHAPITRE PREMIER.
Des plantes des prairies naturelles.
Je ne connois que deux genres de plantes propres à ces prairies ; les graminées & les trèfles ; toutes les autres y sont parasites & dès-lors nuisibles.
La bonté d’une prairie ne dépend pas (abstraction faite du sol) de la quantité des espèces de graminées, mais de leur qualité. Le chiendent, par exemple, est une plante graminée & même très-nourrissante, mais comme il s’empare de tout le terrain, comme une partie de ses tiges rampe sur la terre & par conséquent est épargnée par la faulx, & que les autres s’élèvent & fournissent peu d’herbe il est donc clair que les plantes, bonnes en elles-mêmes., ne suffisent pas pour constituer une bonne prairie. Il seroit facile de multiplier de tels exemples, si celui-là n’étoit pas plus que concluant. La meilleure plante d’entre les graminées sera donc celle qui, à sa bonne