Comme les exemples en grand prouvent plus que les meilleurs raisonnemens, je citerai les environs de Grenoble, le Brabant, la Flandre françoise, l’Artois où la terre est toujours en rapport, & où les prairies artificielles fournissent presque toute la nourriture des chevaux qui y sont trop multipliés, & qui sont à eux seuls le labourage, tandis que le travail par les bœufs, comme dans le Dauphiné, seroit mieux fait & plus économique. (Consultez le mot Labour) On voit aujourd’hui près de Lyon, un espace très-considérable dont la base n’est que sable & cailloux roulés, jadis presqu’inculte, être actuellement d’un bon rapport depuis que l’on alterne les récoltes par les prairies artificielles, & commencer à donner du bel & bon froment. Il en sera ainsi de tous les terrains, de toutes les prairies non arrosées.
Le propriétaire dont tout le revenu est en prairies, commence à s’apercevoir qu’il diminue, parce que les prairies artificielles gagnent de proche en proche, & qu’il n’y a qu’un terme donné pour la consommation du fourrage, passé lequel la perte est réelle. Il n’en est pas ainsi des grains, grâce à la bienfaisante loi de l’exportation des blés. On les transporte au loin, & le numéraire s’accroît dans le lieu qui les a produits ; au contraire, les frais du transport du fourrage, seulement à quelques lieues, sont cause qu’il reste invendu, ou qu’on est forcé de le donner à très-bas prix. J’ai l’exemple sous les yeux de ce que je dis ici, & quoique ce ne soit pas général pour tout le royaume, j’espère que les choses en viendront à ce point par la suppression des jachères, & par la multiplication des prairies artificielles.
Suivant la coutume ancienne, & qui se perpétue encore dans beaucoup d’endroits, malgré l’exemple & l’expérience des pays voisins, on divise tous les champs d’une métairie en trois parties, les vignes sont une classe à part, l’une est destinée à produire du grain, l’autre à rester en jachère, afin, dit-on sans réflexion, que la terre se repose & répare les principes qu’elle a perdus ; la troisième enfin est convertie en prairies. Mais par la suppression des jachères, il n’existe plus que deux divisions, grains & herbes ; voilà donc un tiers franc gagné sur l’ancienne méthode, d’où il résulte 1°. un produit en grains beaucoup plus fort, parce que l’herbe de la prairie artificielle que l’on détruit, se convertit en terre végétale ou humus ; 2°. une récolte abondante en fourrages quelconques, puisque la moitié franche de tous les champs leur est sacrifiée. Le cultivateur ordinaire & qui a peu étudié, ne peut ni ne doit se laisser conduire par les raisonnemens d’un auteur. L’auteur peut se tromper de bonne foi, & le cultivateur peu instruit n’est pas en état de décider si ses raisonnemens ont pour base des principes vrais, & si les conséquences qu’il en tire sont justes ; car l’agriculture a ses charlatans comme la médecine & les autres sciences ; mais le cultivateur ne se refusera pas à l’évidence : je lui demande donc de sacrifier une portion de sa prairie non arrosée, dont la terre est bonne & qui a du fond, de la labourer autans de fois & quand il convient, de l’ensemencer en fromens hivernaux pendant plusieurs années de