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une chambre où le grain ne leur manque point, ni l’eau ; les meilleurs grains sont l’orge, le froment avec un peu de son bouilli, qu’on leur donne de temps en temps ; 2°. cette méthode exige plus de soins, mais elle est beaucoup plus profitable. On met les poulardes, & même les poules, dans une épinette, qui est une loge faite exprès, où la volaille est fort à l’étroit & chacune séparée des autres. On leur plume la tête & les entre-cuisses, parce que l’on prétend que ces plumes attirent à elles trop de substance, & conséquemment que tout le corps en profite moins. On place ces épinettes dans un endroit chaud & obscur, & on leur crève même encore les yeux.[1] On aura de la farine de millet, d’orge, ou d’avoine qu’on leur fera avaler par morceaux deux ou trois fois par jour : dans le commencement on ne leur en donnera que peu, & de jour en jour on leur en fera prendre de plus en plus, jusqu’à ce que ces oiseaux y soient entièrement accoutumés ; après quoi on les obligera d’en avaler autant qu’ils en peuvent prendre… Lorsqu’on voudra les remplir de cette pâte, on ne manquera pas de leur manier d’abord le jabot, afin que si on le trouve entièrement vide, on ne craigne pas de leur donner à manger ; au lieu que si on s’appercevoit que la digestion ne sot pas encore faite, on attendroit que la nature eût fait ses fonctions, sans quoi ce seroit perdre son temps. La trop grande abondance de nourriture prise coup sur coup, cause des indigestions. Toutes les fois qu’on lui fait prendre cette nourriture aux animaux, il faut en tremper les morceaux pour que cela leur serve de mangeaille & de boisson, car on ne leur donne point à boire. Si on trempe ces morceaux dans du lait, la volaille en est plus blanche & plus délicate. La société d’Agriculture d’Alençon, dit, que pour bien engraisser la volaille, il faut mêler tous les jours dans ce qu’on lui donne à manger, le poids d’un liard de graine de jusquiame (consultez ce mot)… Dans le pays du Mans on met les poules dans une mue ; on leur donne à manger, trois fois le jour, d’une pâte composée de deux parties de farine d’orge & d’une partie de sarrasin, ou de l’orge & du sarrasin moulus ensemble ; la farine sassée & le gros son ôté, on en fait des morceaux un peu plus longs que ronds, de grandeur convenable, & on en donne sept ou huit chaque fois. Dans quinze jours au plus, elles se trouvent chargées de graisse….. Dans quelques endroits, on prend des orties, feuilles & graines, & que l’on fait sécher à propos ; on les met en poudre & on les passe par un tamis ; quand on veut s’en servir, on les pétrit avec du son & avec de la farine de froment ; on les delaye avec des lavures de vaisselle ou avec de l’eau chaude, & on en donne à la volaille une fois par jour….. Dans plusieurs provinces on mêle la farine de mais avec du lait ou du miel. La chair des poules engraissées dans

  1. Note de l’Éditeur. Ces opérations enfantées par la plus horrible barbarie & la plus détestable sensualité, ne contribuent en rien à l’embonpoint de la volaille ; n’est-ce pas assez de la destiner à une mon prématurée.