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à cause de leur rareté, soit parce qu’elles ne sont qu’orner les jardins, & que dans le vrai elles ne servent à aucun de nos besoins.

En médecine, l’usage des plantes s’entend de l’administration qu’on en fait dans tel & tel cas ; & cet usage est fondé sur leur vertu ou leur propriété. La préparation est la méthode d’en faire un bon usage.

M. Villars, qui a admis la même distinction entre les mots propriété & qualité, l’a rendue bien sensible par des exemples que nous emprunterons de lui. « L’absynthe & la coloquinte (dit ce médecin botaniste, dans son histoire des plantes du Dauphiné, Tome I, p. 89.) ont une qualité amère qui leur est commune, tandis que leurs propriétés sont bien différentes, puisque la première nous donne de l’appétit, nous fortifie, & la seconde nous dégoûte, purge & affoiblit ; le camphre & l’esprit de térébenthine ont une qualité très-inflammable, tandis que le premier a la propriété de nous calmer ; qu’il tempère, rafraîchit, résiste à la pourriture ; le second échauffe, irrite, provoque les urines, leur donne une odeur de violette… Les propriétés des plantes, continue M. Villars, sont relatives à nos usages, à notre constitution, à nos maladies ; mais leurs qualités physiques, quoique subordonnées à leur âge, au climat, leur sont propres. »

Si l’on veut encore un exemple qui embrasse les trois objets, je dirai qu’une plante vénéneuse a décidément une mauvaise qualité, qu’on peut ne pas lui connoître de propriété médicinale, & qu’elle peut être d’usage pour certains arts.

La distinction que nous venons d’établir, & qui sera saisie par les médecins, n’empêche pas que dans l’usage ordinaire on ne confonde les qualités & les propriétés médicinales ; & c’est pour se conformer à cette manière de s’exprimer, trop généralement reçue, qu’à chaque article des plantes on a entendu parler dans ce Dictionnaire, de leurs qualités générales & de leurs propriétés particulières, c’est-à-dire, de leur aptitude à quelque usage médicinal.

La manière de connoître les propriétés des plantes n’est pas facile. Le hasard, l’analogie, l’affinité & l’expérience, quelquefois périlleuse, en ont fait découvrir plusieurs ; l’observation suivie en a constaté les vertus.

Les qualités des plantes se distinguent au goût, à l’odorat, quelquefois à la vue, moins sûrement par l’analyse chimique ; les unes sont amères, les autres douces ; celles-ci sont acides, celles-là âcres, piquantes. Plusieurs sont suaves, aromatiques, elles exhalent différentes sortes de parfums ; beaucoup sont inodores ; il en est de fétides & de nauséabondes. Enfin, les unes sont très-agréables & flattent la vue, tant par leur couleur que par leur élégance ; les autres sont sombres, livides, on les suspecte, on les évite, on les rejette.

La couleur peut servir à juger, jusqu’à un certain point, de la vertu des plantes. La pâleur annonce en général, qu’elles sont insipides ; la couleur verte désigne la crudité ou immaturité ; la jaune est presque propre à ce qui est amer ; les fruits rouges sont acides ; ce qui est blanc