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nable. Le marc de pressoir bien refroidi & consommé, est encore un bon engrais au pied des pommiers, qu’il faut déchausser tous les trois ans, & fouir chaque année avec une fourche. Ces arbres souffrent beaucoup, si le champ sur lequel ils sont plantés, est semé de luzerne, qui dure 8 à 10 ans sans culture, & dont les longues racines absorbent les sucs aux dépens de celles du pommier.

» Si l’on achette des sujets propres à planter en place, il faut bien connoître la probité de celui qui les vend, ou refuser ceux qui sont greffés. Il est des gens qui pour en imposer par la belle apparence, les greffent de poussures du pied, ou d’autres sauvageons. Il en résulte des arbres énormes, mais qui ne rapportent jamais, ou tout au plus de mauvais fruits.

» On prend donc de beaux sujets vierges, qu’on plante avec soin & qu’on ne greffe qu’au troisième printemps, après qu’ils ont été mis en place. Mais on court les risques de perdre ces greffes, par le poids des gros oiseaux qui, se perchant dessus, les cassent, ou par les vents qui les décolent, & c’est du temps & souvent des sujets perdus. On prévient autant qu’il est possible ces accidens, en armant les greffes avec des branches ou des épines, attachées par un ou plusieurs osiers au haut de la tige.

» Il faut dans les pays chauds défendre, contre l’ardeur du soleil, les jeunes sujets mis en place ; à cet effet on enveloppe leur tige avec de la paille longue, liée de plusieurs osiers,[1] ensuite on les arme d’épines pour empêcher les bestiaux de s’y frotter.

» On doit observer dans les terres légères, de ne greffer que des pommes dont le suc est le plus gras & le plus visqueux, & au contraire, des plus douces & de suc fluide, dans les terres fortes. »

II. Observations sur la fructification des pommiers à cidre. Il est bon de discuter ici une question fort importante pour les pays à cidre. Est-il bien vrai que les pommiers à cidre ne donnent une bonne récolte de fruit que tous les deux ans ? Si le fait est tel, n’est-il pas possible d’y remédier ?

J’ai déja prévenu que je n’avois jamais été dans le cas de suivre la culture & la conduite des pommiers à cidre. D’après cet aveu, mes lecteurs sont priés de considérer ce que je vais dire, non comme des préceptes, mais comme de simples apperçus & même comme des doutes qui demandent à être pris en considération & examinés de près par des observateurs & cultivateurs intelligens, afin de communiquer au public le résultat de leurs recherches sur un objet aussi important. Ce que j’ai à dire s’applique également aux poiriers dont le fruit fournit la boisson appellée poiré.

Lorsqu’un poirier ou pommier est

  1. Dans plusieurs cantons, & notamment pour les plantations en terces labourables a la charrue, on fait avec de la paille longue, mouillée, des cordons gros comme le bras dont on entoure exactement la tige des pommiers ; cela les défend contre le soleil & même contre les atteintes de la charrue ; mais ces espèces de jarretières gênent l’accroissement de la tige en grosseur, & donnent asile aux insectes qui la rongent en été & en hiver.