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sée lorsque la chaleur a mis la greffe en état de l’admettre. Si une greffe hâtive est adaptée à un sujet tardif, elle se dessèche avant que la sève vienne à son secours, & les arbres qui ne meurent pas d’abord, languissent sans prendre d’accroissement. Il est sans doute utile de dire qu’à quelqu’âge que soient les sujets d’une pépinière, il faut avoir grand soin d’en retirer les chenilles & autres insectes qui en dévoreroient les feuilles.

» Quoiqu’on habite un pays où en général les printemps sont dangereux pour les fleurs des pommiers, il est bon qu’un verger contienne des arbres des trois tempéramens ci-dessus indiqués. On profite des hasards en y plantant un quart de hâtifs, un quart de sages, & moitié de tardifs.

» Si l’on a eu soin de greffer en pied tous les sujets rachitiques, presque tous ceux qui composent la pépinière seront bons à greffer au septième printemps.

» Lorsque la greffe a recouvert par son écorce la coupe du sujet, c’est-à-dire, après qu’elle a poussé deux feuilles, l’arbre est propre à être mis en place. Il faut donc, vers le 15 de novembre, les lever avec une grande attention en déchaussant les racines & ne les arrachant jamais de force. On tâche de laisser à ces racines au moins un pied & demi de longueur. On les taille à la serpette, on retranche le chevelu, & l’on plante dans un trou de 6 à 8 pieds de diamètre, profond de 18 pouces, & garni de bonne terre, Dans les terrains légers on plante l’arbre sur le sol même, sans le creuser ; on fait de même dans ceux dont un lit inférieur de glaise empêche que l’eau ne s’écoule, en rapportant assez de terre pour couvrir les racines & former une butte de huit pouces de haut. On aligne les arbres soit en avenues, en massifs ou en quinconces. Si on a l’exemple qu’ils viennent gros dans le pays, on leur donne 40 pieds de distance, & pendant 20 années on peut y semer dessous toutes sortes de grains. Il est bon de retrancher tous les ans les branches mortes ou chiffonnes, & les plus basses, à mesure qu’elles peuvent nuire au passage des animaux de labour. Plus un arbre est net, plus il donne de plaisir & de profit.

» Dans les terres fortes & saines, les pommiers viennent très-gros, & produisent du cidre gras, épais & de garde, mais lourd & indigeste. Dans les sables, la tête de ces arbres n’acquiert pas plus de 12 pieds de diamètre ; le cidre est léger, délicat & vineux ; mais il ne se garde au plus qu’une année ; dans les terres glaiseuses les arbres deviennent mousseux, chanceux ; le cidre est froid, aqueux & mal sain. Le seul remède à ces inconvéniens est de fouir & de déchausser au mois d’octobre le pied de l’arbre, & d’y rapporter une ou deux brouettées de marne. Les gelées de l’hiver la divisent, & au printemps suivant, on la mêle avec de la terre qu’on avoit retirée. Au défaut de marne, on employé une demi brouettée de chaux vive, qu’on y laisse fraiser & qu’on renfouit de même. Dès le premier été, la mousse, les vieilles écorces, tombent, l’arbre pousse vigoureusement & le fruit est meilleur. C’est une opération qu’il convient de renouveler de 6 en 6 années. En général la terre douce, franche, même un peu crayonneuse, est la plus conve-