Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/269

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cette province sont peuplés de jeunes gens grands & de la plus forte constitution. J’ai vu, dit M. Hirtzel, très-peu de maladies parmi les soldats lorsqu’ils pouvoient mettre souvent des pommes de terre dans la marmite. Enfin, M. le Chevalier Mustel, ajoute que ce légume a puissamment contribué à la subsistance de nos armées en Allemagne ; que les officiers & soldats les mangeoient apprêtées de différentes manières, & que malgré les excès qu’ils en ont faits, il n’en est résulté aucune incommodité, preuve de leur salubrité & de leur facile digestion.

Tous ces faits bien connus, & qu’il seroit possible d’accumuler ici, prouvent donc que la pomme de terre est un aliment fort sain pour l’homme, & un excellent engrais pour le bétail ; qu’on ne sauroit trop à étendre la culture, ni assez en encourager l’usage. Aussi, M. de Chancey, dont il a été souvent question dans le cours de cet article, l’un des plus zélés apôtres de cette production, vient de déterminer quelques personnes charitables de son canton de faire cultiver des pommes de terre au profit des pauvres ; l’un a prêté son champ ; l’autre a donné l’engrais & la semence ; un troisième s’est chargé des frais de culture & de récolte ; le produit a suffi pour nourrir pendant l’hiver cinquante familles. Puisse ce moyen économique de soulager l’indigent, sans le rendre paresseux, avoir dans toutes les paroisses des imitateurs ! Trois à quatre arpens consacrés ainsi a cet acte de bienfaisance, feroient disparoître les besoins pressans de bien des malheureux. Puissent enfin ces racines, comme en Irlande, en Amérique, en Angleterre, ajouter à la force de l’agriculture, favoriser la multiplication des bestiaux, l’abondance des engrais, le produit des terres, devenir pour ceux dont la subsistance dépend de récoltes incertaines un heureux supplément dans les momens de cherté & de disette de grains.


POMMIER. Tournefort & von-Linné le placent dans la même classe que le poirier. (Consultez ce mot.) Le premier le nomme Malus, & le second Pyrus malus, parce qu’il réunit dans le même genre le pommier & le poirier. (Consultez ce qui a été dit sur cette réunion à l’article déjà cité.)

Je regarde le pommier comme un arbre indigène aux provinces septentrionales de la France, & plus particulièrement encore à nos montagnes de la seconde classe. Il ne réussit jamais mieux que sur les lieux un peu élevés, & il semble fixé par la nature, comme l’arbre intermédiaire entre les pays de vignobles & ceux où l’intensité de la chaleur n’est pas assez forte pour faire mûrir le raisin. Cette remarque devient frappante lorsque l’on considère les différens abris. (Consultez le chapitre III de la troisième Partie du mot Agriculture.) Quelques auteurs avancent que le pommier fut transporté de la Médie à Rome ; cela peut être, mais cette assertion ne détruit pas la mienne ; elle prouve seulement que l’on a transporté de bonnes espèces de pommes à Rome ; & c’est ainsi que Lucullus enrichit sa patrie des cerisiers à bon fruit.