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dentes ; on a même remarqué que dans certains cantons les pommes de terre cultivées par les gens de la campagne se débitent plus volontiers que celles des jardiniers, qui fumant ordinairement outre mesure, déterminent la croissance vers les tiges, & font perdre aux racines leur saveur délicate pour contracter de l’âcreté & un état visqueux : il est vrai que quand on cultive les pommes de terre pour en nourrir le bétail, on peut fumer le sol à volonté, parce que le produit, quoique d’un goût inférieur, est beaucoup plus considérable sans qu’il en résulte aucun inconvénient pour les animaux.

Il est donc prouvé que si on fait distribuer convenablement le fumier en le plaçant dans les trous creusés par la bêche, ou dans les sillons tracés par la charrue, immédiatement sur les pommes de terre, on en épargne une très-grande quantité ; cette méthode est économique dans les pays où l’amendement est rare ; mais alors il est nécessaire de n’employer que des fumiers consommés, & de ne pas les enfouir un ou plusieurs mois d’avance comme on a raison de le faire pour les autres productions. L’engrais placé ainsi près de la racine-mère, n’opère que pour elle ; elle s’en trouve presque enveloppée, & comme il s’en faut que son effet soit entièrement perdu lors de la récolte, il peut, étant disseminé dans la totalité du champ par la charrue, agir encore efficacement pour les grains qu’on y ensemence.

C’est donc une économie mal entendue que de ne pas fumer la pomme de terre lorsqu’on veut y faire succéder des récoltes en blé, à moins que ce ne soit sur des terres nouvellement défrichées, ou sur des prairies artificielles qu’on retourne.

Les engrais des trois règnes conviennent à la pomme de terre, mais pour cette plante, comme pour beaucoup d’autres, c’est aux cultivateurs intelligens à en régler l’espèce & la quantité sur les ressources locales & sur la nature du sol ; encore une fois, il ne faut employer de fumier qu’une quantité égale à celle que l’on met lorsqu’on fume du froment, & si l’on n’en emploie pas du tout, on doit toujours s’attendre que la récolte diminuera d’un sixième environ.


Section VIII.

Du terrain & de sa préparation.

Il n’y a pas de terrains dont la pomme de terre ne s’accommode, même du sable & du gravier, pourvu qu’ils soient assez divisés pour céder à l’écartement que ses tubercules exigent lorsqu’ils grossissent & se multiplient, avec cette différence cependant que le produit est toujours relatif à la qualité du sol ; mais la craie ni l’argile pures ne lui conviennent dans aucun état & dans aucune circonstance. À l’égard des expositions les plus favorables, ce sont ordinairement les endroits les plus élevés, leur qualité y est meilleure, de même que dans les terrains secs & légers. Ainsi le sol le plus propre à ce genre de culture, doit être composé de sable & de terre végétale, de manière que le mélange mouillé, ne forme jamais ni liant ni boue ;