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Section IV.

Accidens qu’éprouvent les hommes de terre.

La nature en signalant son excessive libéralité envers les pommes de terre, ne leur a pas donné une constitution capable de résister à toutes les intempéries, & quoiqu’elles puissent soutenir assez long-temps les effets de la pluie & du froid, de la sécheresse & de l’humidité, l’action de la grêle, des brouillards & des vents, ces accidens ont cependant une influence plus ou moins marquée sur le produit & la qualité de la récolte ; mais, toutes choses égales d’ailleurs, les racines avortent moins que les grains ; il y a peu d’exemples à citer qu’on ait été forcé de recommencer la plantation des racines, ou qu’elles aient entièrement manqué : car, lorsqu’une des époques de la végétation des grains n’a pas été heureuse, la saison ensuite a beau être favorable, tout est dit, ils sont chétifs ou peu abondans, au lieu que si la pomme de terre a langui dans fructification à cause du hâle, les pluies chaudes & abondantes qui surviennent, font bientôt tout réparer.

Quand ainsi la grêle tombe sur la pomme de terre avant la floraison, qu’elle hache le feuillage, & suspend la végétation par le froid qu’elle imprime au champ, la plante n’en reprend pas moins sa première vigueur lorsque la saison favorise ensuite les différentes époques de son accroissement jusqu’à la récolte. Le soc de la charrue, le pied des chevaux & du bœuf, peuvent bien endommager quelques pieds ; mais la plante croît avec tant de force qu’elle est bientôt rétablie de pareils accidens ; cependant une des causes qui lui fait le plus de tort, ce sont les mauvaises herbes que certaines circonstances locales multiplient au point de l’affamer & de lui faire porter une tige haute & effilée qui ne donne que de petits tubercules. Il est donc très-important de ne point négliger le sarclage, & de séparer à temps les mauvaises herbes qui partagent la subsistance de celle sur laquelle sont fondées les espérances d’un canton ; parce qu’une fois cette opération complètement exécutée, la pomme de terre à son tour par l’épaisseur, la virulence, & l’ombrage de ses feuilles, les étouffe & les détruit en partie pour plusieurs années.


Section V.

De leurs maladies.

Malgré les avantages réunis de la saison, du sol & de tous les soins qu’exige sa culture, la pomme de terre est assujettie à des maladies comme les autres végétaux ; elle diminue de production & de qualité à mesure que la même espèce vient à occuper un même terrain pendant plusieurs années consécutives ; tantôt la même espèce est plus fibreuse que farineuse, tantôt elle a un goût amer & piquant ; on éprouve en la mangeant un sentiment à la gorge qui se dissipe difficilement ; quelquefois enfin son organisation est tellement altérée, qu’elle ne fleurit ni ne fructifie, & qu’au lieu de produire des tubercules charnus & farineux,