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en a réuni une horloge de flore, publiée en 1755, par Von-Linné, c’est-à-dire, un tableau de l’heure de l’épanouissement d’un certain nombre de fleurs, & de l’heure à laquelle elles se ferment. Ce qui est dit des fleurs s’applique également à un très-grand nombre de feuilles, principalement aux feuilles ailées, telles que celles des pois, des luzernes, des trèfles, de la sensitive, &c. ; l’immortel Von-Linné est le premier qui ait décrit ce phénomène. Son ami, M. de Sauvage, la gloire de l’université de Montpellier, lui avoit envoyé le lotier à pied d’oiseau, lotus ornithopodioides. Lin. Il le recommanda à son jardinier, parce qu’il n’avoit donné que deux fleurs, & qu’il n’avoit pu les examiner dans le courant de la journée. Il fut très étonné le soir de ne plus voir ces fleurs : le lendemain matin elles reparurent, & se cachèrent de nouveau sur le soir ; enfin, notre naturaliste observa que trois feuilles les enveloppoient tellement pendant la nuit qu’elles les déroboient aux yeux les plus clair-voyans. Cette observation heureuse l’engagea à entreprendre dans le jardin d’Upsal des herborisations nocturnes, & une lampe à la main, chaque plante fut soigneusement examinée. Il vit avec cette joie que les botanistes seuls peuvent goûter, que chaque plante est affectée d’un sommeil particulier, & qu’elles imitent en quelques manières, par leur attitude, celle que les différens animaux offrent depuis long-temps aux observateurs. Bientôt un examen plus réfléchi augmenta les résultats.

Von-Linné s’assura 1°. que les jeunes plantes étoient plus dormeuses que celles qui tendoient à la vieillesse. M. Hill a été ensuite d’un sentiment contraire, comme on le verra bientôt. 2°. Que l’absence seule de la lumière causoit ce phénomène ; que le froid de la nuit n’en étoit pas la seule cause, puisque celles qui étoient dans les serres chaudes, étoient, comme celles du dehors, soumises à cette espèce de repos. 3°. Que les feuilles, suivant qu’elles étoient simples ou composées, disposées en anneaux, ou confuses, ou alternes, présentoient différentes formes pendant le sommeil, c’est-à-dire, se replioient d’une manière différente. 4°. En examinant la situation des boutons des feuilles ou des fleurs, prêts à se développer respectivement aux feuilles déjà épanouies, il crut saisir l’intention de la nature dans ce mouvement des feuilles, appelé sommeil. Von-Linné pensa que par ce resserrement les jeunes pousses étoient sûrement mises à couvert des injures de l’air, des rosées nocturnes, des froids brusques, imprévus, &c. D’après ces observations, le botaniste Suédois distingua les plantes en météoriques, en tropiques, en équinoxiales. (Consultez le mot Fleur, Tome IV, p. 661.)

Il paroissoit très-difficile d’expliquer les phénomènes du sommeil & de la sensibilité des plantes ; on hasarda plusieurs conjectures, dont la plupart n’expliquent rien. M. Hill, anglois de nation, entreprit de lever le voile, & il écrivit à M. Von-Linné les détails suivans.

Les plantes dormeuses & les plantes sensitives ont beaucoup d’affinité entre elles. Leurs mouvemens, quoique différens, dépendent du même principe. Plusieurs dormeuses