Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1789, tome 8.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE II.

De la culture des Pois.

I. Culture du Pois chiche. C’est d’Espagne & d’Italie que la culture de ce pois a été introduite en France, & sur-tout dans nos provinces méridionales, où il est très difficile de se procurer des légumes de ce genre, à moins qu’on n’ait la facilité de leur donner les arrosemens qu’ils exigent. Le pois chiche ne craint pas le froid & il supporte même des gelées assez fortes : cette propriété donne la facilité de le semer à la fin d’octobre, en novembre & même en décembre, suivant les saisons & les abris des cantons : on doit convenir cependant que les semailles du commencement de novembre sont à préférer ; il en résulte deux avantages ; 1°. la plante se fortifie beaucoup en racines pendant l’hiver, & par conséquent elle est plus à même de supporter les premières sécheresses & les premières chaleurs : sa végétation est ensuite plus régulière & moins hâtée, dès-lors la récolte est plus sûre & plus complète. Il est rare que les pois chiches semés, un peu tard en décembre, aient le même succès. Si on préfère dans nos provinces du midi cette culture à celle des autres pois, ce n’est pas parce qu’elle y est plus productive, mais parce qu’elle y est moins casuelle : ce pois, il est vrai, y est un peu meilleur pour le goût que dans nos provinces du nord, mais ce foible avantage ne lui donneroit pas la préférence sur les autres, si l’on pouvoit, ou plutôt si l’on savoit faire mieux. Les pois de primeur, si recherchés & si vantés dans nos provinces du nord, le sont peu dans la partie opposée du royaume ; le prix de leur vente dans celle-ci ne dédommageroit pas des soins & des peines qu’ils exigent, & la rareté de l’argent est le vrai & unique moteur de cet espèce d’engourdissement qu’on appelleroit ailleurs nonchalance. Je sais que des particuliers amateurs ne négligent pas ces soins pour augmenter leurs jouissances, mais toutes les fois que je ne vois pas, dans les marchés aux herbes, les primeurs devenir une marchandise, je dis que les exceptions prouvent la vérité de ce que j’avance. 1°. Le pois chiche fournit un pâturage d’hiver aux troupeaux, si toutefois la douceur de la saison trop prolongée, & quelquefois sans aucune rigueur, ne l’avance pas trop, dans ce cas les troupeaux lui sont funestes ; en général le pois chiche sur lequel le troupeau a passé & qu’il a brouté, talle davantage, produit plus de tiges au printemps, & la récolte en est augmentée : dans plusieurs cantons la pâture des troupeaux sur ces champs est rigoureusement défendue.

On sème en général le pois chiche, dans nos provinces du midi, dès que les semailles du blé sont finies ; mais comme celles des paresseux sont toujours & très-mal à propos tardives, celle des pois chiches s’en ressent : les terres en jachères sont destinées à cette culture.

Dans nos provinces du nord où l’on craint le froid qui s’y fait sentir de bonne heure, il convient de semer dès le commencement d’octobre, afin que la graine, aidée par la chaleur de la saison, germe & lève promptement, & afin que la plante ait fait des progrès avant le froid : cette es-