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l’eau bouillante ne rejaillisse sur les feuilles & ne les endommage ? Dans tout ce qui vient d’être rapporté, uniquement pour désabuser le cultivateur sur toutes ces recettes, il n’y a de bon & de vrai que la soustraction des vieilles écorces & le nettoiement des crévasses. J’ose en répondre d’après mon expérience, & je me suis bien mieux trouvé du procédé indiqué par l’excellent continuateur de M. l’abbé Roger Schabol, dans son ouvrage intitulé, Pratique du Jardinage, où il dit :

« Après avoir éprouvé les différens remèdes indiqués contre ces ennemis dangereux, je ne suis parvenu à les détruire qu’en frottant les feuilles l’une après l’autre durant le mois de mai, & écrasant, soit avec les doigts, soit avec un linge, l’animal qui n’a point encore fait de ravage, & dont les œufs ne doivent éclore que lorsque les feuilles seront grandes. On recommence cette pratique autant de fois qu’il est nécessaire. J’ai eu aussi la patience d’ôter soigneusement toutes les feuilles d’un poirier attaqué du tigre, & j’ai réitéré cette opération l’année suivante. »


CHAPITRE VI.

Des usages économiques du Poirier & de son fruit.

I. Du bois. Celui du poirier sauvage est préférable pour les arts où l’on emploie du bois dur, comme pour des pièces de rouage de moulin ; celui du poirier cultivé est beaucoup plus tendre. Il est naturellement rougeâtre, doux, compact, uni. Il sert aux menuisiers pour des parquets, aux ébénistes pour la marqueterie, aux tourneurs & sur-tout aux luthiers. Les graveurs en bois le recherchent aujourd’hui avec soin, sur-tout depuis qu’on a multiplié les manufactures de toiles & de papiers peints. Les branches & les troncs caverneux, depuis longtemps coupés & bien secs, font un feu excellent & une braise très-chaude.

II. Des fruits. La poire en général nourrit peu ; elle se digère plus lentement que la pomme de reinette, développe plus d’air dans les premières voies.

La majeure partie des poires se conserve assez long-temps pour attendre celles de la récolte nouvelle, de manière qu’elles procurent une jouissance continuelle pendant une année entière. Simplement cuites ou en compotes, elles fournissent une nourriture agréable & très-recherchée dans les grandes tables. Ces apprêts ne sont pas du ressort de cet Ouvrage.

Les poires qui se gâtent, qui pourrissent, sont employées à la nourriture des oiseaux de basse-cour & des cochons. Les pigeons & les poules tirent encore parti des pépins.

Les habitans de la campagne préparent les poires tapées qu’ils vendent ensuite chèrement à la ville. Il est juste que les citadins paient leurs peines & leur industrie. Voici le procédé.

On n’emploie communément pour cet usage que les poires de rousselet, de beurré d’Angleterre, de doyenné, de beurré, de messire-jean, ou bernardin-sec. La première espèce est à préférer. On les cueille un peu avant leur maturité. Il faut choisir pour cela un beau jour & leur conserver leur queue. On les fait cuire dans un chaudron d’eau bouillante, jusqu’à ce qu’elles mollissent un peu ; ensuite on les met sur des claies pour les faire égout-