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feu, de manière pourtant qu’il y ait plus de fumée que de flamme ;[1] la fumée ira sur toutes les feuilles, & fera périr tous les tigres qui y seront, pourvu qu’on réitère plusieurs fois cette fumigation ; ou bien on ramassera à la fin d’octobre toutes les feuilles qui seront tombées de ces arbres infectés de tigres, & on les jettera aussitôt au feu[2]. Quinze jours après on fera la même chose, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’on ait brûlé toutes les feuilles qui seront tombées de l’arbre, alors on ratissera doucement les branches avec un couteau de bois, ce qui fera tomber à terre les œufs de l’insecte & les fera périr[3]. La vapeur de la chaux vive, ainsi que la décoction d’absente, sont aussi d’excellens remèdes.»

» On peut encore, quand il n’y a plus de feuilles aux arbres, chercher les tigres dans les trous de mur de l’espalier. On les en fera sortir avec un petit plumasseau ; on les fera tomber eux & leurs œufs sur un morceau de toile étendue au pied du mur, & ensuite on le secouera sur le feu… D’autres se contentent de jeter avec un goupillon sur les feuilles de l’arbre, de l’eau dans laquelle on aura fait tremper du tabac… Le plus sûr, pour les chasser, est de semer du chenevis autour & dessous les arbres qui en sont attaqués… La forte odeur du chanvre les fatigue, & on continue d’en semer tous les ans jusqu’à ce qu’on soit sûr qu’ils ont entièrement abandonné les arbres. »

Les mêmes recettes sont copiées dans le Dictionnaire Économique ; mais l’auteur ajoute qu’il faut seringuer vers le mois de mars, temps où le soleil commence à échauffer les œufs de ces insectes, de l’eau bouillante dans les treillages, sur les grosses branches, principalement dans les trous & crevasses des murs. Chaque fois qu’on pompe l’eau bouillante, il faut tremper la seringue dans l’eau froide, autrement elle ne prendroit pas d’eau, l’air étant raréfié par la chaleur. Un auteur qui a copié cette recette a encore renchéri dans le Journal Économique du mois d’avril 1764 ; & il ajoute : « on doit seulement faire en sorte que l’eau bouillante ne donne point sur les feuilles naissantes : les œufs n’étant déposés que dans les petites fentes de l’écorce des branches, ce ne sont que ces repaires qu’il faut attaquer, » Est-il possible de seringuer toutes les branches sans qu’une partie de

  1. On demande pourquoi cette préférence pour ces deux plantes ? agissent-elles par leur odeur ? Dans ce cas, pourquoi ne pas se servir d’herbes plus odorantes ? Est-ce par leur fumée ? dans ce cas, il vaudroit mieux les moins faire sécher, elles donneroient plus de fumée & moins de flamme.
  2. Tout insecte est prudent, & sa grande attention est de veiller à la conservation de son espèce ; aussi il ne livre point aux.feuilles qui doivent tomber, pourrir, & être emportées par les vents, un dépôt si précieux. C’est sous les gerçures de la peau, sous la vieille écorce que son trésor est confié. Là il brave les vents, les pluies & les frimats, & attend en paix le retour de la belle saison. À coup sûr, les œufs n’écloront que lorsque les feuilles seront dans le point de perfection nécessaire à la nourriture de l’insecte.
  3. Ce troisième moyen est préférable aux deux premiers, mais on ne doit pas laisser ces débris sur la terre, au contraire il faut les recevoir avec soin sur un linge à mesure qu’on les fait tomber, & porter le tout au feu.