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nouveau bois, & que le fruit noue cette année & pendant plusieurs années consécutives. L’abondance des fleurs suppose l’abondance du fruit, mais elle ne la garantit pas. Lorsque ces arbres si couverts de boutons à fruit n’en donnent pas, les jardiniers vous disent : Ah ! c’est bien dommage ; rappelez-vous comme il étoit beau en fleur ; C’est la faute de la saison. Eh ! non, ce n’est pas sa faute, puisque l’arbre voisin, moins couvert de boutons à fruit, en est cependant chargé. La véritable raison tient à ce que l’un n’avoit que la quantité de boutons à fruit qu’il pouvoit nourrir, tandis que l’autre en avoit beaucoup trop. Au surplus, on ne risque jamais rien, en supprimant par années d’intervalles, & suivant le besoin, de supprimer la moitié & même les trois quarts de ces boutons à fruit. Il en reste toujours assez. Je n’ai trouvé que ce seul moyen de rendre la vigueur aux poiriers sur coignassier que j’ai chez moi, & ils m’ont donné une bonne récolte, tandis que les arbres de mes voisins n’ont pas produit une seule poire. Ce qui rend le fait encore plus intéressant, c’est que je parle des arbres plantés à six pieds l’un de l’autre, & que j’ai trouvés dans ma nouvelle habitation. La majeure partie a de bon bois. Ceux qui ont été trop vieux ont peu gagné à cette soustraction. Je la renouvellerai encore cette année, afin qu’avant de les arracher }e puisse juger jusqu’à quel point cette opération est avantageuse ; mais à coup sûr, quoique mon terrain soit pierreux, caillouteux & sablonneux, je ne les remplacerai que par des arbres greffés sur franc. Tous ceux qui y ont été plantés en même temps, & ceux sur franc, sont forts, vigoureux & bien portans. Voilà cependant un exemple bien caractérisé qui prouve que le franc réussit même dans le sol sablonneux & infiniment mieux que le poirier greffé sur coignassier.

Le poirier est en général sujet aux mêmes maladies que les autres arbres. Mais il en a une accidentelle qui lui fait beaucoup de mal ; je veux dire le dépouillement presque total de ses feuilles, dévorées par l’insecte nommé Tigre. Cet insecte est muni d’un aiguillon ou d’une trompe, avec lequel il pompe & détruit tout le parenchyme des feuilles, & n’y laisse que les fibres ou la charpente.

Chacun s’est empressé de donner des recettes capables d’exterminer cet insecte destructeur, & chacun a copié ce qui avoit été imprimé par son devancier, de manière qu’on n’est aujourd’hui guère plus avancé qu’auparavant. Il est de fait que le tigre attaque sans distinction toutes espèces de poiriers, mais qu’il préfère les espèces de bon-chrétien à toutes les autres ; qu’il préfère également les poiriers taillés en espalier à ceux qui le sont en buisson, & ceux-ci aux plein vents. Ses ravages sont plus considérables sur les arbres exposés au gros soleil & dans des terrains secs, que sur ceux plantés à l’ombre ou dans des terrains bas & humides.

L’auteur de la Maison rustique, & après lui beaucoup d’autres, disent : « Pour les détruire faites un amas de branches de genêt commun ou de fougère (voyez ces mets), faites-les bien sécher, ensuite mettez-les au bas des arbres infectés des tigres, à trois pieds de l’arbre, du côté que le vent souffle. Ensuite mettez-y le