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matté, & ils ont raison ; & c’est à peu près comme si l’on saignoit au blanc un homme fort & vigoureux. Il résulte de l’une & de l’autre opération un état de foiblesse & de défaillance qui approche beaucoup de celui de la caducité ou de l’agonie,

Plus l’on tiendra les branches & les bourgeons alongés, & moins l’on craindra les branches chiffonnes, le faux bois, les têtes de saule, les gourmands, &c. (consultez ces mots) ; & lorsque j’ai dit plus haut qu’on devoit tailler du fort au foible, je n’ai pas prétendu étendre cette règle sur tous les bourgeons en général, mais je l’ai conseillée comme un moyen de conserver l’équilibre entre toutes les branches & bourgeons de chaque côté de l’arbre, de manière qu’un côté ne soit pas plus chargé de bois que l’autre, & que la sève s’étende par-tout également. Cet équilibre est indispensable, car si un côté ou une seule branche l’emporte, l’art du jardinier doit y remédier, sans cela la sève se jetteroit insensiblement tout de ce côté au grand détriment de l’autre.

Cette taille du fort au foible doit encore avoir lieu lorsque les pousses, ou lorsque la branche dont elles partent, sont visiblement trop fluettes & maigres pour avoir été tenues tout à coup trop longues. C’est alors le cas de suivre cette taille, & même, si le besoin le demande, de ravaler le bourgeon sur un œil ou sur deux. La branche mère prendra plus de force, & ses nouvelles pousses seront mieux nourries : tant il est vrai que plus on abat de bois, & plus il en pousse de nouveau. N’est-ce pas sur ce point qu’est fondée la taille du buissonnier qui exige le même équilibre dans ses branches ? L’une, trop foible, pousse un petit bourgeon, tandis que sa voisine forte donne un bourgeon plus long & bien nourri. Que fait-on pour rappeler ces deux bourgeons à l’égalité dans la pousse suivante ? on taille le premier sur un œil, & on en laisse quatre, six ou huit au second. Mais si, pour donner à l’arbre la forme d’une couronne, ainsi que l’appellent les jardiniers, on taille ces deux bourgeons pris pour exemple, tous deux à la même hauteur, c’est-à-dire de 4 à 6 yeux ; le premier restera étique, & le second regorgeant d’embonpoint, poussera de nouveau un bourgeon d’une force surprenante.— C’est ce que l’on voit tous les jours.

Je mets au rang des articles de la taille une pratique presque inconnue de nos jardiniers ordinaires. Les arbres greffés sur coignassier, & après un certain nombre d’années, sont épuisés par leur propre foiblesse & par l’excès de taille qu’on leur a fait supporter. Ces malheureuses victimes n’ont plus ou presque plus la force de produire des boutons à bois ; mais ils sont chargés & surchargés de boutons à fruit. On les voit couverts de bourses (consultez ce mot) nouvelles, anciennes, le tout pêle-mêle, & souvent implantées les unes sur les autres. Au printemps ils sont tout blancs par la quantité de fleurs, & cependant très-peu de fruits aoûtent & arrivent à maturité.

Pour leur faire repousser du bois nouveau, il convient d’abattre une très-grande partie de ces bourses, & sur-tout les vieilles qui se chargent d’yeux par tous les côtés  ; il résulte de cette opération qu’on a de