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année, suivant leurs propres observations, les branches de ces arbres doivent se rencontrer au bout de deux ou trois ans tout au plus. On peut facilement imaginer ce qui doit en résulter au bout de cinq à six ans. Cette méthode n’est pas seulement particulière aux françois, car la plupart des jardins anglois n’ont pas été mieux plantés, & ceux qui les ont exécutés avoient bien peu d’habileté dans leur art, pour s’assujettir à suivre les instructions des jardiniers françois qu’ils révéroient assez pour faire traduire leurs livres, en y joignant de petites notes qui n’ont servi qu’à découvrir leur ignorance ; car en critiquant le peu de place que les françois donnoient à leurs arbres, il n’y ajoutoient que trois pieds tout au plus, d’où il est clair qu’eux-mêmes n’ont point fait attention aux pousses ordinaires de ces arbres, & qu’en s’éloignant ainsi du but de la nature, ils n’étoient pas moins ignorans que leurs maîtres. »

» Comme la plupart des jardins anglois ont été plantés par des personnes peu habiles, il est fort rare d’en trouver qui produisent beaucoup de fruits. Quoique plusieurs de ces jardins aient été replantés nouvellement, ce changement ne leur a été que peu avantageux ; car les propriétaires ont pris la peine de faire arracher les vieux arbres, de changer la terre de leurs plates-bandes, & de les remplacer par de nouveaux arbres auxquels ils ont donné un ou deux pieds de plus de distance qu’aux anciens. Mais cet avantage n’a été que momentané : après quelques années ils se sont trouvés dans le même embarras, & leur ouvrage est encore à recommencer. On éprouvera le même inconvénient toutes les fois que l’on emploiera des personnes intéressées vendre beaucoup d’arbres, car elles en planteront trois fois plus qu’il ne sera nécessaire. Si on veut réparer cette faute, en supposant que les sujets soient bons & sains, il faut en enlever deux ou trois de suite, & ne laisser en place que le troisième ou le quatrième, suivant la distance qui leur a été donnée d’abord. On étend leurs branches horizontalement, c’est-à-dire toutes celles qui sont susceptibles d’être ainsi palissées, & l’on coupe près de la tige toutes celles qui sont trop dures pour pouvoir fléchir. Si les arbres conservés ne produisent pas l’espèce de fruit que l’on désire, on peut greffer leurs jeunes branches au printemps avec l’espèce qu’on désire avoir ; par ce moyen on gagnera plusieurs années ; car un de ces vieux arbres, ainsi greffé, s’étendra à une plus grande distance, & produira plus de fruit dans trois ans qu’un nouvel arbre dans dix ou douze, sur-tout si l’on renouvelle la terre de la plate-bande. »

D’après cet extrait d’un ouvrage si estimé, j’aime à croire que tous les doutes seront dissipés, & qu’on n’aura plus la manie de planter près-à-près, & sur-tout de suivre la méthode bizarre de planter un nain entre deux arbres mi-tiges. Ce raffinement a encore été imaginé par les marchands d’arbres, pour avoir le droit d’en fournir un plus grand nombre. Il est contre la loi de la nature que le nain prospère alors. Après quelques années il languit & meurt, & le mur reste à découvert sur toute la partie qu’il occupoit. On a beau donner aux branches inférieures du mi-tige