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sur le franc, qui étant plus vigoureux, résiste mieux aux tigres qui font beaucoup de tort aux poiriers en espaliers & sur-tout à celui-ci. Il est tardif à se mettre à fruit, & il le donne ordinairement moins gros, moins bien fait, & moins bon. Il vaut mieux le greffer sur coignassier & le planter en espalier au couchant où il prendra assez de couleur, ou en buisson, ou en éventail ; il ne pourroit réussir en plein vent dans ce climat (de Paris) que dans des jardins très-abrités & cependant bien exposés.

Le bourgeon est gros, court, droit, gris clair, tiqueté de points imperceptibles, très-aplati au dessous des supports. Le bouton est gros, alongé, pointu, brun, écarté de la branche. Son support est très large & peu élevé.

Les feuilles sont de moyenne grandeur, alongées, terminées en pointe ; les unes dentelées finement & peu profondément, les autres ayant seulement quelques dents vers la pointe ; les bords forment de grandes sinuosités. Le pétiole a souvent deux pouces de longueur & même davantage.

La fleur a ses pétales presque ronds, creusés en cuilleron ; quelques-uns sont légèrement teints de rouge sur les bords. Le sommet des étamines est d’un beau pourpre vif.

Les fruits sont très-gros, les uns pyriformes, les autres imitant un peu la calebasse ; la plupart figurés en pyramide tronquée ; le côté de la tête est très-renflé ; l’œil est placé dans une cavité large & profonde, souvent ovale ou aplatie, bordée de bosses qui s’étendent sur une partie du fruit & y forment des côtes, de sorte qu’il est tout anguleux ; le côté de la queue diminue beaucoup de grosseur sans se terminer en pointe ; il est tronqué obliquement ; la queue un peu charnue à sa naissance est plantée dans une cavité dont les bords sont relevés en bosses ou côtes. Il se trouve des fruits qui ont jusqu’à quatre pouces de diamètre sur six pouces de hauteur.

La peau est fine, d’un jaune clair tirant sur le verd du côté de l’ombre, & frappée de rouge incarnat du côté du soleil ; la chair est fine & tendre quoique cassante ; l’eau est assez abondante, douce & sucrée, même un peu parfumée ou vineuse. Sa maturité commence en janvier & dure jusqu’au printemps.

Il y a de ces poires dont la chair est grossière & pierreuse ; d’autres dont la peau est rude ; d’autres qui sont plates ou arrondies ou mal faites ; d’autres qui sont jaunes, bien colorées avant d’être cueillies ; d’autres qui demeurent toujours vertes & sans pépins. Toutes ces différences ne constituent point de variétés ; elles ne viennent que du terrain, de la culture, de l’exposition, de l’âge, de la force de l’arbre, qui paroît plus sensible à toutes ces modifications que la plûpart des autres poiriers. Un poirier de bon-chrétien en bon sol, bien cultivé, bien exposé, vieux, mais d’une vieillesse verte & vigoureuse, donnera des fruits très-gros, très-bons, qui prendront une belle couleur jaune dans la fruiterie & seront ordinairement sans pepins. Ce poirier greffe sur coignassier, produit des fruits pluis gros, plus colorés & d’une chair plus fine que sur franc. Si l’arbre languit, le fruit sera sans pépin, jaunira sur