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Dans les sels & dans toutes les substances cristallisables, quoiqu’on observe dans chaque espèce la forme primitive qu’affectent les cristaux, des circonstances particulières peuvent l’altérer plus ou moins, & la faire éloigner d’un état parfait de régularité. C’est ce qui a aussi lieu par rapport à la neige ; les progrès divers du refroidissement dont je viens de parler, le mouvement de l’air qui pousse les vapeurs aqueuses au moment de leur concrétion, la nature même des nuages, sont autant de causes qui peuvent s’opposer à un arrangement régulier des parties intégrantes de l’eau, combinées avec celles de l’air ; mais les différentes espèces de flocons qui en résultent ne sont jamais confondues dans la même neige. Il n’en tombe que d’une espèce, soit dans différens jours, soit dans différentes heures du même jour.

Quelle que soit la forme des flocons de neige, on y retrouve toujours les premiers linéamens de la cristallisation primitive que l’eau affecte dans la congélation en général. On voit de longs filamens d’eau glacée, quelquefois entièrement séparés les uns des autres, mais ordinairement rassemblés sous différens angles de soixante degrés, arrangement qui paroît tenir à une loi fixe & déterminée du passage de la fluidité de l’eau à son état concret.

Si on trouve la plus grande analogie entre la formation de la neige & celle des cristaux salins qu’on produit en chimie, ou que la nature opère elle-même, on en trouve aussi dans la manière dont cette espèce de congélation de l’eau se détruit, comparée avec celle qu’observent les autres cristallisations dans le même cas.

La plupart des sels cristallisés dans une quantité d’eau insuffisante pour les tenir en dissolution, deviennent solubles par cette même eau, si on l’échauffe, & les cristaux disparoissent. On sait qu’il en est de même de la fonte de la neige dans un air chaud ou tempéré. La même fonte peut être produite par une chute de pluie, de même qu’une quantité d’eau surabondante produit la dissolution des sels. Si on fait perdre l’eau de cristallisation à un sel quelconque, la forme de ses cristaux s’efface & disparoît ; de même s’il survient un vent sec au plus fort de la gelée, il se produit une espèce d’évaporation qui fait disparoître la neige.

La glace ordinaire est beaucoup plus pesante que la neige ; le volume de cette première ne surpasse que d’un dixième ou d’un neuvième tout au plus, celui de l’eau dont elle est formée ; au lieu que la neige qui vient de tomber a dix ou douze fois plus de volume que l’eau qu’elle fournit étant fondue. Quelquefois même cette augmentation est plus grande. M. Muschembroek ayant mesuré à Utrecht de la neige qui étoit faite comme de petites étoiles, il la trouva vingt-quatre fois moins dense que l’eau. D’un autre côté, la neige ne sauroit faire le même effort que la glace pour se dilater ; elle ne rompt point de vaisseaux qui la contiennent ; elle cède à la compression, & l’on peut la réduire à un volume presqu’égal à celui de la glace ordinaire ; mais elle ne peut être fortement comprimée sans perdre au moins en partie son opacité & sa blancheur ;