Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/769

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sensément la futaille & on la roule à la cave. Si la cave a les qualités énoncées dans cet article, cette boisson est susceptible de se conserver jusqu’à la récolte suivante ; mais pour peu qu’elle éprouve les vicissitudes de atmosphère, les effets de la chaleur, c’est une boisson perdue. Si on craint de tels effets, on peut muter cette boisson. (Voyez au mot Vin les détails de cette opération)

La piquette contient beaucoup moins de principe spiritueux lorsque la grappe a été séparée des grains avant que la vendange soit mise dans la cuve ; mais la boisson est moins acerbe & il faut une plus grande quantité de marc pour faire une quantité égale de boisson. On a dit que la piquette préparée avec la grappe, se conservoit plus long temps que l’autre à cause de son principe acerbe ; & de là, on conclut qu’elle étoit nécessaire pour le même objet dans la première fermentation vineuse. L’assertion & la conséquence sont fausses. Si la grappe contribue à la conservation de la piquette, c’est, que pendant la première fermentation elle s’est appropriée une quantité assez considérable du principe mucilagineux & sucré, & du spiritueux qui a été le résultat de la fermentation. Pour saisir la vérité de ce que je viens de dire, il faut relire avec attention l’article fermentation, & l’on en conclura que si la piquette tourne, pousse, ou pourrit, (mots synonymes) c’est qu’elle ne contient pas assez de principes sucrés qui créent le principe spiritueux ; c’est qu’elle n’est pas un corps homogène, si je puis m’exprimer ainsi, mais une simple extension d’un peu de mucilage, de spiritueux & de tartre, noyés dans une grande masse d’eau ; enfin, c’est qu’il lui manque une proportion convenable de l’être qui sert de lien aux corps, d’air fixe. (Consultez ce mot)

Le moyen le plus simple, le plus assuré de donner du corps à la piquette, c’est de lui ajouter le principe qui lui manque & qui la constitue vin ; c’est le corps sucré. On a vu au mot fermentation, qu’avec du sucre ou du miel, (consultez le mot Hydromel) de la gomme ou mucilage quelconque, étendus dans une certaine quantité d’eau, & mis à fermenter avec les conditions requises, on a vu que ce mélange donnoit une liqueur vraiment vineuse & qu’il ne lui manquoit que l’aromat du vin, en un mot, que c’étoit un vrai vin ; il faut donc faire pour la piquette ce que l’on pratique pour les vins de petite qualité ; c’est-à dire, lui ajouter un corps mucilagineux & sucré, substance que l’on auroit trouvée dans le raisin, si sa maturité eût été complette. Le miel est ce corps par excellence, puisqu’il renferme, & le principe mucilagineux & le principe sucré, les seuls créateurs des vins ; de toutes les substances que l’on peut employer, c’est la plus commune & la moins chère : il ne s’agit pas ici du miel de Narbonne, mais du miel ordinaire qui coûte de six à dix sols la livre. Il n’est pas possible d’en fixer exactement la quantité, puisqu’elle dépend du plus ou du moins de principes que l’eau qui constitue la piquette, s’est appropriée pendant la seconde fermentation dans la cuve. Deux à trois livres par cent pintes d’eau sont à peu près suffisantes ; si le miel est à bon marché dans le canton, on fera beau-