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Pour la faire, on verse la quantité d’eau qu’on veut dans une chaudière de cuivre, & on la met sur le feu. On prend ensuite environ une double poignée de petites branches de pin & on les jette dans la chaudière. Si les brins sont verts, on en prend moins, ou davantage s’ils sont secs. Quelques-uns ont soin de hacher bien menu ces brins avant de les jeter dans l’eau, & d’autres les jettent tels qu’ils les ramassent. Dans certains endroits où il faut aller loin pour trouver de ces petites branches ou brins, on en amasse des provisions qu’on conserve dans la cave pour une ou pour plusieurs autres cuissons.

Après avoir mis ce qu’il faut de ces brins dans la chaudière, on les laisse bouillir pendant environ une heure. On ôte ensuite la chaudière de dessus le feu ; on transvase le tout dans un autre vaisseau sans le marc ; on laisse reposer quelque temps, jusqu’à ce que l’eau ne soit plus que tiède. On y verse ensuite le marc aussi & on le laisse fermenter ; on y ajoute du sucre à proportion de la quantité de l’eau qu’on a employée & l’on laisse fermenter le tout. Le sucre qu’on ajoute, sert principalement à lui ôter le goût résineux, que sans cela, cette boisson ne laisseroit pas de conserver.

Lorsque la liqueur a assez fermenté, on la tire au clair dans une autre futaille, ou, ce qui vaut mieux, dans des bouteilles. Cette boisson dure fort long-temps & l’on prétend généralement qu’en été elle ne s’aigrit pas si aisément que d’autres bières. Elle a un goût excellent, tirant sur la résine ou la térébenthine, mais si peu qu’on s’en apperçoit à peine. Lorsqu’on la verse de la bouteille dans un verre, elle mousse d’abord considérablement. Il est fort aisé de s’enivrer de cette boisson. Les habitans du pays la regardent comme très diurétique.

La manière des françois pour la préparer, diffère de celle des hollandais. Lorsqu’on veut en faire la quantité environ qui tiendroit dans un de nos tonneaux ordinaires à bière, on se munit de brins de branches de pins frais & verts, on fait en sorte que les boutons des pommes de pin tiennent encore aux petites branches dans l’année où l’on veut les employer : car la résine qui en vient, est fort saine & la bière meilleure. Ensuite on a une ou deux chaudières de cuivre qu’on remplit d’eau & de ces petites branches, l’on fait bouillir le tout ensemble, jusqu’à ce que la plus grande partie de l’eau soit évaporée. Pendant que la cuisson se fait, on met un peu de froment dans un poêlon. On m’a dit qu’on pouvoit aussi se servir du seigle ; que l’orge étoit encore meilleure ; enfin, que le maïs étoit le meilleur de tous les grains. On torréfie le grain dans le poêlon, à peu près comme nous brûlons le café, jusqu’à ce qu’il soit brun ; on le retourne & on le remue sans cesse.

Lorsque le grain est parfaitement brûlé, on le jette dans la chaudière & on le laisse bouillir avec les brins de pin. On y joint une couple de petits pains de froment ou d’autres grains qu’on a bien fait cuire ou rôtir. On ajoute ces pains & ces grains brûlés, principalement pour donner à cette boisson une couleur brune que les simples brins ne lui donneroient pas, pour donner un goût plus agréa-