Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire filer ; s’il a un plus grand bénéfice, en préparant de la soie de qualité superfine ; si le climat & le sol secondent ses vues, c’est le cas de planter des sauvageons à feuilles roses. Les uns ont donc eu raison de vanter les mûriers greffés, & les autres, ceux qui ne l’étoient pas.

CHAPITRE XIII.

Des propriétés économiques & d’agrément des Mûriers.

§. I. Propriétés médicinales. Les fruits mûrs appairent la toux, & favorisent l’expectoration. Le suc exprimé & passé à travers un linge, donné en gargarisme, calme l’inflammation des amygdales & du voile du palais. Le suc exprimé des fruits ne diffère pas du sirop de mûres ; mais comme on ne peut pas le conserver aussi long-temps qu’on le désire, on est réduit à le faire cuire avec du sucre, jusqu’à consistance de sirop ; on le prescrit depuis demi-once, jusqu’à deux onces, seul ou en solution dans cinq onces d’eau.

On a regardé la feuille de mûrier comme vulnéraire, appliquée sur une coupure aussitôt qu’elle est faite ; elle a soustrait la plaie au contact de l’air atmosphérique : voilà tout son mérite.

§. II. Propriétés économiques. L’écorce de mûrier préparée comme le lin, donne de la soie ; cette propriété étoit connue très-anciennement, & cependant les papiers publics viennent d’annoncer cette propriété comme une découverte nouvelle. Écoutons parler Olivier de Serre, sieur de Pradel, dans son Théâtre d’Agriculture, ouvrage précieux, & qu’on lit trop peu.

« Le revenu du meurier blanc ne consiste pas seulement en la feuille, pour en avoir la soie, mais aussi en l’escorce pour en faire des toiles, grosses, moyennes, fines & déliées, comme l’on voudra ; par lesquelles commodités se manifeste le meurier blanc être la plante la plus riche & d’usage plus exquis, dont encore ayons eu cognoissance. De la feuille du meurier, de son utilité, de son emploi, de la manière d’en retirer la soie, a été ci-devant discouru au long : ici ce sera de l’escorce des branches de tel arbre, dont je vous représenterai la faculté, puisqu’il a pleu au Roi de commander de donner au public l’invention de la convertir en cordages, toiles, selon les épreuves que j’en ai présentées à Sa Majesté… Ainsi m’en a-t’il prins, touchant la cognoissance de la faculté de l’escorce du meurier blanc. Car pour sa facile séparation d’avec son bois, estant en sève, en ayant fait faire des cordes, à l’imitation de celles de l’escorte de tillet, (tilleuil) qu’on façonne en France, mesmes au Louvre en parisis, & mises sécher au haut de ma maison, furent par le vent jettées dans le fossé, puis retirées de l’eau boueuse, y ayant séjourné quelques jours, & lavées en eau claire ; après de torses & séchées, je vis paroître la teille ou poil, matière de la toile, comme soie ou fin lin ; je fis battre ces écorces-là à coup de massue pour en séparer le dessus, qui, s’en allant en poussière, laissa la matière douce & molle, laquelle broyée, sérancée, peignée, le rendit propre à être filée, & ensuite à être tissue & réduite en en toile. Plus de trente ans au pararavant, j’avois employé l’escorce des