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Comme le nombre des particuliers qui ne font pas filer, est trois ou quatre fois plus considérable que celui des personnes qui font filer, il importe donc fort peu aux premiers que leur soie ait une qualité très-supérieure, & il est de leur intérêt d’avoir le plus grand nombre possible de bons cocons & bien pesans. Ceci posé, voyons quelle espèce de mûrier procure la soie la plus fine, & quelle espèce donne plus de soie de qualité.

Il est de fait que le mûrier planté dans un sol léger, substantiel, & naturellement sec ; que celui qui est planté dans un sol rocailleux, pierreux, & qui a du fond ; que le mûrier qui croît sur le rocher calcaire, & dont les racines pénètrent dans les scissures, fournissent une feuille moins abondante en sucs, moins noyée d’eau, mais que ses principes en sont mieux assimilés, & ses parties nutritives plus élaborées.

Les mûriers, au contraire, qui végètent dans un sol qui a beaucoup de fond de terre végétale, qui fournit un excellent champ à blé, à lin ou à chanvre, donnent une feuille plus large, plus épaisse, plus aqueuse. On ne peut mieux comparer la qualité de ces feuilles qu’à celle du vin que l’on retire des vignes qui y sont plantées ; le ver trouve sur ces feuilles une ample nourriture, mais une nourriture plus grossière.

Il est rare, dans les années pluvieuses, de voir la soie de belle qualité, toutes circonstances égales, parce que la feuille est trop remplie d’eau de végétation. Dès-lors ses sucs sont mal élaborés, &c. Il en est ainsi du vin. Quelle sera donc habituellement la soie des vers nourris avec la feuille de l’arbre planté dans un bas-fond, dans un terrain aquatique, ou dont la couche inférieure est de l’argile ? À coup sur elle aura peu de qualité, & rarement, & très-rarement les vers seront exempts de ces maladies qui en détruisent la moitié.

La même distinction opérée par le sol, le climat, &c. l’est également par la greffe. Il est constant qu’un mûrier sauvageon, c’est-à-dire, qui n’a pas été greffé, à feuille rose & bonne, est plus près de la nature, & par conséquent plus assimilée à la nourriture du ver, que la feuille du mûrier greffé ; & l’arbre sauvageon vit beaucoup plus longtemps que l’autre. Ce qui a fait donner la préférence au greffé, est la beauté de la feuille, & la facilité de la cueillir. Elle est constamment plus ample, jamais découpée, il en faut moins, & un seul homme en ramasse plus dans un jour, que dans deux sur le sauvageon. Plusieurs écrivains, d’après le témoignage d’un auteur, ont élevé jusqu’au nues les avantages du mûrier greffé ; mais ils n’ont pas fait attention que cet auteur avoit ses vues, lorsqu’il vantoit le mûrier greffé. Il falloit se débarrasser de ses vastes pépinières.

Je ne donne l’exclusion ni au sauvageon, ni au mûrier greffé. Ces deux espèces, au contraire, sont à cultiver avec soin, relativement au climat & au but qu’on se propose. Si on plante des mûriers pour en louer la feuille, il est clair qu’il est plus avantageux au propriétaire d’avoir des mûriers greffés ; la beauté de la feuille & sa quantité frapperont celui qui loue, & il paiera chèrement : si, au contraire, le propriétaire se propose de