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cueilleur doit prendre feuille à feuille, & même laisser les deux les plus élevées du bouquet, afin que celles-ci aident le prolongement de l’œil en bourgeon.

Les cueilleurs de feuilles ont ordinairement un bâton de quatre à six pieds de longueur, armé d’un petit crochet de fer dans le bout. Il est inconcevable à combien de cueilleurs ce malheureux instrument a coûté la vie. À peine en équilibre sur une branche, ils veulent avoir les feuilles d’une branche supérieure, ils la tirent avec leur crochet. Si elle est d’un certain volume, il faut de la force pour l’amener ; souvent celle de l’ouvrier n’est pas suffisante, l’élasticité de la branche entraîne l’ouvrier, il perd l’équilibre & tombe. Si la branche cède, elle se casse, & la tête de l’arbre est défigurée. Tout cela tient à la négligence & à la paresse de l’ouvrier, qui, pour ne pas avoir la peine de descendre de l’arbre & de changer son échelle de place, abîme un arbre, & court le risque de perdre la vie en tombant.

Il est donc indispensable d’avoir des échelles proportionnées à la hauteur de l’arbre. Ces échelles très-simples, puisque ce n’est qu’une longue pièce de bois ordinairement de sapin, de six à sept pouces par le bas, & de quinze à vingt pieds de hauteur, traversée par des chevilles de six à huit pouces de chaque côté, pèchent presque toutes par le bas. On se contente de faire entrer dans une entaille, un morceau de planche que l’on y assujettit ou avec de grands clous, ou avec des chevilles. Si le pied du corps, ou la mauvaise posée de cette échelle contre la branche ou sur le sol, la font tourner, il est bien difficile que le cueilleur ne se précipite par terre. Il vaut beaucoup mieux supprimer cette planche, & adosser contre le pied de chaque côté un morceau de bois qu’on appelle jambe, & qui s’en écarte de dix-huit à vingt-quatre pouces. Alors cette échelle a trois points d’appui ; celui des deux jambes, & celui du bois de l’échelle. Si l’un manque, il en reste encore deux, & l’équilibre n’est pas détruit. Au mot Outils d’agriculture, on en verra la figure. Je préférerois, à tous égards, l’échelle à deux bras ; elle est plus solide, plus sûre, moins sujette à tourner, mais elle pèse davantage. Avec les mûriers nains & les taillis, on ne craint rien pour sa vie ; cette raison majeure invite à donner la préférence à leur culture.

Doit-on chaque année cueillir la feuille ? Presque tous les cultivateurs l’assurent de la manière la plus positive. C’est dans plusieurs cas la plus grande des erreurs. En effet, voit-on périr les arbres que l’on a eu de trop, après l’éducation des vers, ou que l’on n’a pas pu louer ? Il y a plus ; j’ose dire que dans plusieurs circonstances, on ne doit pas la cueillir. Par exemple, si la feuille a été attaquée par la rouille, l’arbre souffre déjà assez sans augmenter son mal-être. Si la feuille est jaune, languissante, c’est encore une preuve que l’arbre souffre. Dans ce dernier cas, des labours & des engrais répareront la foiblesse de l’arbre, si son mal tient à l’épuisement. La nature, en créant les arbres, les a tous destinés a la nourriture d’une ou de plusieurs espèces d’insectes ; mais il est très-extraordinairement rare que leur nombre en soit assez multiplié, pour dépouiller ces arbres de toute leur