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tre côté s’entretient dans son embonpoint, sans faire aucunes pousses vigoureuses. À mesure néanmoins que s’opère le recouvrement des plaies faites aux racines, ses bourgeons vont toujours en augmentant, la partie foible pourroit même à son tour l’emporter sur l’autre ; mais on y remédie aisément par les engrais administrés au côté à qui l’on a fait faire diette.

2°. L’incision & la saignée. Mon ministère est rempli par rapport au côté de l’arbre qui a trop d’embonpoint, mais il ne l’est pas à l’égard de l’autre. Le changement de bonne terre en mauvaise, la soustraction des racines & leur raccourcissement ne peuvent manquer d’occasionner une diversion de sève qui, au moyen des engrais abondans que j’ai donnés aux côtés foibles, va s’y porter avec la même abondance qu’elle se portoit vers le côté vigoureux. Il faut donc le disposer à recevoir cette affluence de séve, que l’étroite capacité de ses canaux ne peut contenir. J’appelle l’art à mon secours pour les étendre & les dilater, j y parviens au moyen l’incision que je distingue de la saignée.

Au printemps, avec la pointe de la serpette, je fais du côté maigre de mon arbre, depuis le tronc jusqu’aux premières branches, une incision, en fendant l’écorce jusqu’au bois. Je la fais latéralement & je la continue sur cette partie maigre, toujours sur le côté jusqu’à la mère-branche & aux grosses branches, & j’enduis toutes ces incisions de bouse de vache, sans l’envelopper, dans l’intention de prévenir le flux de gomme.

Si cette plaie faite par incision, au lieu de se fermer venoit à se sécher, ce seroit un mauvais signe poux l’arbre, & il n’y auroit plus d’espérance de le rétablir. Si la branche maigre : ne grossissoit pas, il faudroit recommencer l’incision l’année suivante, non dans la même place, mais soit par derrière, soit par devant, avec la précaution d’y appliquer une douve pour que le soleil ni la pluie ne frappent point la plaie.

La nature m’a fait naître l’idée de ces incisions. Je voyois des arbres vigoureux se fendre d’eux mêmes, tant à la tige, aux branches, qu’au tronc & souvent de haut en bas comme si on les eût incisés exprès. J’ai reconnu, en les mesurant, que depuis le mois de mai jusqu’à l’automne, ils avoient grossi d’un pouce. La suture de ces incisions se fait ordinairement dans l’année ; & aux endroits qui les ont souffertes, la peau est plus claire & moins épaisse que l’ancienne.

Les noyers, les pommiers, les pêchers même, & les arbres féconds en séve sont sujets à se fendre ainsi. Il se fait aux branches fortes de ces derniers, vers leur empâtement, des gerçures de couleur jaunâtre, par lesquelles la nature, en indiquant les besoins, m’a appris à recourir à l’incision pour gonfler les récipiens de la séve du côté maigre de l’arbre.,

La saignée n’est à proprement parler, qu’une incision de deux ou trois pouces de long. Elle a également lieu pour les racines comme pour le tronc, la tige & les branches à bois seulement. Voici quelques circonstances où elle est non-seulement utile, mais nécessaire. Un arbre pousse avec véhémence dans sa jeunesse, & sa tige ne grossit point à proportion de ses branches. Un calus commence à se former à l’endroit de la greffe, & l’on a lieu