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L’objet qu’on le propose dans cette première opération, est de détourner la sève de sa direction verticale naturelle, pour la faire couler avec égalité à droite & à gauche, & par cette diversion former les deux tranches A 2, A 3, Fig. 10, qui doivent être les mères de toutes les autres. L’égalité dans le développeront de ces deux premiers bourgeons, réglera l’ébourgeonnement & le palissage s’ils poussent également, on supprimera aussitôt tous les autres bourgeons qui pourroient dévorer la subsistance destinée à ces deux premiers ; on les palissera ensuite dans l’ordre de leur développement, c’est-à-dire, de manière qu’ils décrivent chacun un angle de 45 degrés avec la ligne ponctuée A T, du jet de l’écusson supprimé. Fig. 10. Ces deux bourgeons formeront conséquemment entre eux un angle droit, que pour l’intelligence du jardiner on pourroit nommer équerre. Il est constant que cette inclinaison dictée par la nature, est la seule qui doive être adoptée pour que la séve puisse agir sans contrainte ; alors, modérée dans son cours, elle tiendra un juste milieu, & se distribuera également des deux côtés ; au lieu qu’une trop forte ou trop foible inclinaison, causeroit de l’inégalité dans sa circulation, d’où il résulteroit infailliblement l’altération de quelques parties.

On agira bien différemment si ces deux premiers bourgeons poussent avec proportion & irrégularité. L’équilibre étant le principe qui maintient chaque être dans l’ordre & la vigueur qui lui sont propres, il faudra dans ces premières pousses, l’établir avec d’autant plus d’attention que c’est de là que dépendent la beauté, la force & la fécondité de l’arbre en espalier. Nous allons détailler les moyens de parvenir à l’établissement de cet équilibre.

Lorsqu’un des bougeons aura acquis plus de grosseur & d’étendue que l’autre, on laissera une partie de ceux qui croissent au-dessous du côté trop vigoureux. Ces pousses serviront à consommer une partie de la substance qui, si on les supprimoit, se porteroit au seul bourgeon utile ; (voyez Fig. 13) le bourgeon A 3, a pris beaucoup plus d’accroissement en longueur & grosseur que le bourgeon A 2 ; on a donc laissé les productions M, N, lesquelles consommant une partie de la séve, qui se seroit portée au bourgeon A 3, en ralentiront l’accroissement. On les supprimera aussitôt que le bourgeon A 2 aura acquis la même force que le bourgeon A 3 ; s’il falloit au contraire donner plus de vigueur au çôté trop foible, on ôteroit tous les bourgeons qui, si on les y laissoit, pourroient nuire à son accroissement. Lorsque par ces moyens l’équilibre sera rétabli, on ne conservera que les deux seuls bourgeons utiles & qu’on destine à la construction fondamentale de l’arbre.

L’art du palissage contribue aussi à l’établissement de l’équilibre, en ce qu’il sert à rebâtir ou à accélérer suivant le besoin, l’action de la séve ; nous allons le démontrer.

Par l’effet de la division obtenue de cette première taille, la séve forcée de se porter à droite & à gauche, coulera dans les deux bourgeons avec une abondance & une activité égales. Si les conduits par lesquels elle cher-