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Les gourmands poussent plus promptement, plus vivement, & plus abondamment que les autres branches. Ils ne viennent sur les arbres que lorsqu’on les taille trop court, qu’on les décharge trop, ou qu’ils sont extrêmement vigoureux. On distingue trois sortes de gourmands ; les naturels qui naissent immédiatement de la greffe & des branches ; les sauvageons qui poussent au-dessous de la greffe & du tronc même, & les demi-gourmands également produits de ces parties de l’arbre.

Je pourrois ajouter à ceux-ci une quatrième sorte de gourmands que j’appelle artificiels, & qu’un jardinier industrieux fait pousser à tout arbre pour le renouveler, lorsqu’il commence à s’user, & pour le remplir quand il est dégarni en quelque endroit.

Voici les principaux indices pour connoître les gourmands ; 1°. leur position ; la plupart poussent de l’écorce & non d’un œil ; 2°. leur empâtement : soit qu’ils partent de la peau ou de l’œil, leur base est épatée. Il sont gros du bas, fournis, nourris même en naissant, & ils occupent toujours par leur base presque toute la capacité de la branche de laquelle ils sortent ; 3°. la précipitation avec laquelle ils s’efforcent de pousser ; ils naissent, croissent, grossissent & s’allongent tout-à-coup. Il en est qui, dans un été, poussent jusqu’à six ou sept pieds de haut, & qui parviennent à la grosseur du doigt ; 4°. le tissu du bois d’un gourmand & son écorce, sont des marques certaines par lesquelles il se fait connoître. Ces sortes de branches commencent de fort bonne heure à avoir par le bas cette couleur brune de la peau, qui n’existe sur les bourgeons que quand ils sont convertis en bois dur. Leurs feuilles sont aussi plus longues, plus larges, plus épaisses, & d’un vert plus foncé. Ces caractères distinctifs sont une suite de l’activité immodérée de la séve. Leurs boutons tous différens de ceux des autres branches, sont petits, noirâtres, & sont distant les uns des autres ; 6°. leur figure les décèle. Ils ne sont point exactement ronds, comme les branches venues dans l’ordre naturel, mais aplatis plus ou moins d’un côté que d’un autre, jusqu’à ce qu’ils grandissent ; 7°. leur écorce, au lieu d’être lisse & luisante, est ordinairement graveleuse & raboteuse.

La nature, en leur prodiguant tant de séve & tant d’embonpoint, a des desseins dans lesquels nous devons entrer pour les faire tourner à l’avantage de l’arbre. Rien de plus commun que de voir une branche ordinaire devenir gourmande au bout d’un ou deux ans. Vous l’aurez taillée à quatre ou cinq yeux pour en faire un des membres de votre arbre ; mais parce qu’elle est perpendiculaire sur oblique, elle prend tellement de nourriture, qu’elle surpasse en grosseur la mère branche & ses voisines. Si on ne peut la retrancher sans dégarnir l’arbre, il faut chasser dans le mur un fort clou qu’on garnit de linge, & puis forcer presque jusqu’à casser cette branche rétive, l’y attacher & l’arrêter de même par le haut. Tel est le secret de faire d’une branche directe & seconde, une branche oblique & mère. Une économie judicieuse supprimera ensuite toutes celles qui s’entrelacent, & fera choix de celles qui sont propres à former l’arbre.

À l’égard des gourmands sauva-