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suivant son sens, & on a plutôt égard à la tête & à l’emplacement de la greffe, qu’à la position des racines. Qu’arrive-t-il de là ? Lorsque l’arbre pousse, il produit, du côté où l’on a laissé plus de racines vigoureuses, des jets trois fois plus forts que de l’autre. On ne voit dans tous les jardins que des pêchers dont un côte a des membres vigoureux ; tandis que l’autre ne profite point, dépérit au contraire, & meurt insensiblement. Telle est une des causes de la courte durée de cet arbre parmi nous. »

» Pour éviter cet inconvénient, j’observe, en taillant mes racines, de distribuer les fortes & les foibles dans une sorte d’égalité. Si mon arbre ne me le permet pas, & que les racines soient d’un côté, je le plante de façon qu’elles se trouvent en devant, mettant le long du mur la partie où il y en a le moins. La pousse alors se fait pardevant, & tirant mes branches de chaque côté sans les mutiler ni les écourter, je les distribue de manière que l’arbre est également garni. Si c’est un arbre nain ou en plein vent, je place au midi le côté où il y a moins de racines pour le faire profiter davantage, Il est certain que de la proportion distributionnelle des racines, dépend celle des branches. La raison pour laquelle la séve se porte avec plus d’abondance du tronc dans le côté de l’arbre qui a le plus de racines ou de plus grosses, est que les orifices des passages de la séve sont plus nombreux & plus dilatés de ce côté-là, & qu’étant violemment poussée par tant d’endroits à la fois, & faisant sans cesse irruption, elle ouvre de plus en plus ces passages. »

Il est on ne peut plus indifférent que l’arbre soit planté & orienté ainsi qu’il l’étoit dans la pépinière ; mais il est de la dernière importance que la greffe ne soit jamais enterrée. Les terres légères se dessèchent plus promptement que les terres fortes. L’arbre doit donc être planté plus profondément dans les premières que dans les secondes, & la profondeur doit encore être proportionnée à la nature du sujet sur lequel la greffe a été appliquée. Le prunier trace & l’amandier pivote : ainsi celui-ci veut être plus chargé de terre que le premier.

Si on considère un espalier d’arbres fruitiers greffés sur prunier, on voit, dans une infinité d’endroits des rejets s’élancer de ses racines horizontales ; leur prompt accroissement absorbe en pure perte une nourriture dont l’arbre auroit profité. Que fait le jardinier dans ces circonstances ? Il saisit ces rejetons quand ils sont un peu forts, & les réunissant de toutes ses forces dans ses deux mains, il les arrache avec violence ; mais s’il prend la peine de considérer le résultat de son opération, il verra que la partie inférieure du rejet arraché, forme un coude, parce que ce rejet dépend d’une bifurcation de la racine dont une partie continue à tracer, tandis que l’autre gagne l’extérieur où elle se charge de feuilles. Il ne peut séparer l’une de ces deux parties, sans faire une plaie considérable à l’autre ; & qui sait jusqu’où s’étendra la déchirure ou la tortion de celle qui reste en terre ? Ces rejets pullulent à l’infini, lorsque la couche inférieure du sol est trop dure, lorsque l’arbre a été planté trop peu profondément, enfin, lorsque la terre du