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discours autant de chaleur que les intéresses ont mis de vivacité à sa proscription ! Alors l’agriculteur s’adonnera à une culture très-avantageuse, & le peuple y gagnera, car le prix auquel les huiles d’olives & le beurre sont aujourd’hui montés, ne lui permet guères d’en faire usage, & cependant c’est sa subsistance plutôt que celle de l’homme opulent, que l’homme sensible & le bon citoyen doivent tâcher de lui procurer.

La seule ville de Paris, depuis 1770 jusqu’en 1774, consommoit, année commune, deux mille bottes d’huile d’olive pesant net onze cents livres d’huile ; c’est donc quatre millions deux cent mille livres d’huile d’olive. Je ne sais quelle étoit la proportion des huiles de graines & de pavot sur-tout, introduites dans la capitale ou mixtionnées avec l’essence de térébenthine pour se conformer à la loi, ou introduites clandestinement : cette dernière devoit, à coup sur, faire la plus grande partie. Ainsi, en supposant à seize, dix-huit ou vingt sols la valeur d’une livre d’huile, on voit le motif des spéculations, L’intérêt des spéculateurs & à quelle somme se montoient les avances.

Actuellement, que l’on suppose une consommation proportionnée à celle de Paris dans les autres villes du royaume, & on sera étonné de son immensité ; mais comme on y fait un grand usage des huiles de graines ou de noyaux, on peut donc, pour taxer au plus bas, réduire cette consommation à moitié ou au tiers, & quelle que soit la réduction, il résulte toujours qu’il se consomme une quantité prodigieuse d’huile.

Si on ajoute à cette consommation alimentaire celle de l’huile d’olive employée à la fabrication des savons, & sur-tout pour le dégraissage des laines, objet très-considérable, l’étonnement augmentera encore : cependant toutes ces huiles sont vendues dans le royaume pour huile de Provence, de Languedoc, de Roussillon, quoique les seules lisières de les provinces soient plantées d’oliviers. Il est de fait & démontré que ces trois provinces ne fournissent pas la dixième partie de l’huile d’olive que l’on consomme en France ; on est donc obligé de tirer d’Italie, & sur-tout depuis Gènes jusqu’à Nice, une masse très considérable d’huile pour les apprêts ; & de Grèce, de Morée, d’Afrique, &c. celle destinée à la fabrication du savon. Si on doute de ces faits, on peut consulter les douanes établies dans nos différens ports de mer, & je ne crains pas d’avancer qu’il sort annuellement du royaume vingt-cinq à vingt-huit millions consacrés à l’acquisition des huiles étrangères.

Est-il possible d’empêcher de conserver dans le royaume le numéraire que l’on exporte, non en totalité, mais au moins pour les deux tiers !

Les blanchisseuses de Paris, de Flandre, &c. prouvent que le linge est très-bien lavé par le savon noir fait avec les huiles de graines ; il conserve, il est vrai, l’odeur fatigante de chou ou de rave, & la communique au linge ; mais si on suit le procédé que j’ai indiqué au mot colzat si on prépare les graines par la lessive alcaline, &c. la mauvaise odeur disparoîtra. L’exemple démontre que le savon fait avec l’huile