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l’huile de pavot est dessiccative, & en raison de cette propriété, elle ne doit être employée que dans la peinture.

1°. La graine & l’huile de pavot ne contiennent pas un atome de substance somnifère ou narcotique, ce qui est confirmé par l’expérience de tous les temps & de tous les lieux, faite soit sur les hommes soit sur les animaux. Les romains se servoient de cette huile pour les préparations des gâteaux qu’on mettoit sur table au second service ; ils fasoient une espèce de massepain avec le miel, la farine & la graine de pavots. L’usage de l’un & de l’autre étoit si commun, que Virgile donne pour épithète au pavot le nom de vescum. Mathiole, Dioscorides, & après eux toutes les pharmacopées connues, désignent très-clairement que les graines ne participent en rien à la qualité narcotique des capsules. En Italie, & à Gènessur-tour, on fait de petites dragées avec les graines de pavot, & les dames les aiment & en mangent beaucoup. Les oiseleurs de Paris préparent avec ces semences, une pâte dont ils nourrissent les rossignols. Dans les pays où la culture du pavot est établie en grand, le marc qui reste après l’expression de l’huile, sert de nourriture aux vaches, aux cochons & aux oiseaux de basse-cour ; cependant ce seroit sans contredit dans ce marc que devroit résider la plus grande quantité de substance somnifère : les hommes & les animaux ne sont donc pas incommodés par la graine ! le sont-ils par l’huile ? pas davantage. C’est d’Allemagne que la culture de cette plante est insensiblement parvenue dans la Flandre autrichienne, & de là dans les provinces du nord du royaume, & l’huile qu’on en retire est presque la seule employée dans les alimens. Or, si cette huile n’est pas nuisible en Allemagne, dans la Flandre, &c. elle ne l’est donc pas pour avoir traversé les barrières de Paris ; elle ne l’est donc pas dans le reste du royaume où l’on ignoroit les loix prohibitives. Conclure de ce que les médecins proscrivent les têtes de pavot comme narcotiques, que l’huile qu’on retire des semences l’est aussi, c’est donc une preuve complette d’ignorance & du peu de connoissance que l’on a des plantes & des substances différentes contenues dans chaque partie. La fleur de violette est adoucissante ; sa semence est hydrologue & même est émétique : donc on devroit proscrire la fleur de violette, dans tous les cas où il convient d’adoucir. Ces raisonnemens sont de la même force, & c’est jouer sur le mot. Citons encore un exemple à la portée des personnes même les moins instruites. Qu’elles prennent une orange au point de sa maturité, elles verront que l’écorce jaune contient une huile essentielle, si elles en prennent une partie, & qu’elles la pressent entre les deux doigts, afin de la faire jaillir contre une glace de miroir : si elles goûtent cette huile, elles la trouveront forte, caustique, & très-âcre. Cette première écorce enlevée, on en trouve une seconde, blanche, sans saveur & sans odeur. Sous ces deux enveloppes réside la substance pulpeuse du fruit, remplie d’un suc abondant, doux, sucré & parfumé ; enfin dans le centre, des pépins très-amers ; cependant toutes ces parties se touchent, sont contiguës, & néanmoins elles ont des saveurs, des odeurs & des propriétés diamétralement op-