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de la plus grande ou plus petite contenance, … &c. » Le reste des lettres patentes explique à quelles nouvelles entraves cette branche de commerce sera assujettie, afin de prévenir toute mixtion avec l’huile d’olives… Voilà des lettres-patentes contradictoires au décret de la faculté de 1717, aux arrêts & sentences de 1718, 1735, 1741 & 1745 ; elles prouvent que les grands spéculateurs de Paris, sur les huiles d’olives, soit nationales, soit étrangères, ne perdoient jamais leur objet de vue, & qu’ils aimoient mieux sacrifier les intérêts de la nation entière aux leurs propres. C’auroit été à la faculté de médecine, toujours à consulter, sur les objets de santé, à demander la suppression d’une substance qu’elle auroit regardée non-seulement comme dangereuse, mais encore comme extrêmement dangereuse, & ayant, de tout temps, été reconnue d’un usage pernicieux.

Les cris réitérés des spéculateurs, les lettres patentes obtenues par eux répandirent enfin l’alarme, l’huile de pavot fut réputée très-pernicieuse, excepté par ceux qui la débitoient mêlée clandestinement avec l’huile d’olives. Malgré les défenses les plus rigoureuses, la mixtion n’a pas cessé d’avoir lieu ; ce qui a été perpétuellement prouvé par les saisies faites dans Paris, de ces huiles sans addition d’essence de térébenthine ; les registres de police en font foi. Ainsi ces lettres patentes n’ont servi qu’à gêner une branche de commerce très-lucrative, à dégoûter le cultivateur, & à favoriser le monopole à tel point, que l’huile de pavot qui revenoit, rendue à Paris, à 8, 9 ou 10 sols la livre, étoit vendue pour huile d’olive, ou mêlée avec elle, 10, 22, 24 & même 30 sols la livre. Un bénéfice au moins de cent pour cent étoit, certes, très-propre à exciter la cupidité.

Le hasard, & ensuite les circonstances m’obligèrent à faire des recherches sur la mixtion de l’huile de pavot avec l’huile d’olives & sur la nature de cette première, enfin à établir la marche des prohibitions. La lumière tremblante des bougies ou des chandelles me fatigue la vue au point que je suis obligé de me servir de lampe, mais afin d’éviter l’odeur désagréable de la fumée des huiles de graines, je ne brûle que de l’huile d’olives la moins odorante. Il me parut singulier que plus l’huile étoit achetée à haut prix, & devant être par conséquent la plus douce, moins elle brûloit & plus la mèche se chargeoit de champignons ; enfin que cette huile, malgré les froids rigoureux des hivers de Paris, ne figeoit pas, mais qu’elle se troubloit seulement. Après avoir comparé cette huile avec de l’huile fine d’Aix, dont j’étois assuré parce que je l’avois faite venir en droiture, le goût & le froid de la glace démontrèrent une différence frappante, je m’apperçus enfin qu’il y avoit du mystère. Après avoir mélangé séparément presque toutes les huiles de graines connues, avec la véritable huile d’Aix, aucune n’approchoit, pour la saveur, de celle que j’examinois ; ce qui me rappela des expériences que j’avois autrefois faites sur les graines du coquelicot & les graines de pavots cultivés dans mon jardin, qui m’avoient donné une huile très-douce, très-suave, & dont je me déterminai à faire,