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Les fréquens petits binages produisent deux bons effets : le premier, de tenir le sol sans cesse travaillé, & le second, de détruire les herbes parasites & de supprimer les pieds des pavots surnuméraires. Cette suppression successive doit avoir lieu jusqu’à ce que la plante occupe la place que l’on désire ; lorsqu’elle est assurée, lorsque la tige commence à s’élancer du milieu des feuilles radicales, c’est alors l’époque à laquelle on doit donner le dernier binage, & s’occuper de la suppression totale des pieds surnuméraires que l’on conservoit dans la crainte de quelques accidens. On est assuré, si on se conforme à cette culture, & si l’on arrose suivant le besoin, d’avoir des plantes de la plus belle venue, des fleurs superbes & de la graine excellente pour les nouveaux semis.

Le véritable amateur suit ses plate-bandes, il visite chaque pied lorsqu’il est en fleur, & il marque les plus beaux afin d’être conservés pour graine. Ceux dont les couleurs ne sont pas bien caractérisées, dont les formes ne sont pas agréables, sont impitoyablement sacrifiés dès que la fleur est passée. Insensiblement les feuilles, les tiges & les capsules, jaunissent & se dessèchent, ce qui annonce la maturité de la graine. Alors, inclinant doucement les têtes, il en fait tomber la graine sur une feuille de papier, comme la plus parfaite, & il abandonne celle qui reste attachée contre les parois de la capsule. Il suppose avec raison, que la première graine mûre est la plus parfaite. L’expérience m’a prouvé que cette graine, tenue fermée dans un papier, se conserve pendant trois ans, & qu’après ce laps de temps elle est très-bonne à semer. Cependant on doit préférer la graine de l’année, recourir à une plus vieille si le semis de la première a été perdu par une cause quelconque : on doit encore observer que les têtes de pavots à fleurs doubles, sont au moins de moitié plus petites que celles des pavots à fleurs simples, & contiennent moins de semences. La capsule à perdu ce que les pétales ont absorbé pour leur multiplication.


Section II.

De la culture des pavots dans les champs.

Elle a deux objets : l’un de produire la graine destinée à donner l’huile appelée d’œillet ou d’œillette, & l’autre, de fournir les têtes de pavot, employées en médecine.

I. De la culture du pavot ou œillet. La racine du pavot est pivotante ; la plante aime donc les terrains qui ont du fond, & dont la terre a été soulevée jusqu’à une certaine profondeur. La végétation de la plante est rapide dès qu’elle commence à être animée par la chaleur ; elle aime donc une terre fertilisée par l’engrais, afin que le pavot ne manque pas de nourriture à l’instant où il en a le plus de besoin.

On opposera, à de telles assertions, que le coquelicot croît dans les champs les plus mauvais, parmi les blés, que le pavot somnifère, végète sur les lieux les plus âpres des pays méridionaux de l’Europe : cela est très-vrai ; mais ici il s’agit de se procurer une récolte abondante, & la différence qui se trouve aujourd’hui entre le pavot cultivé & le pavot naturel, est extrême ; il est